L’échec est devenu une prérogative pour ceux qui s’y sont noyés dès le premier bain. Ce jour-ci, le ruisseau était rouge de nos sangs entremêlés, et noir de nos pensées qui n’aboutiraient jamais –rêves décharnés. L’existence draine nos vies et nous rend secs, immuables face à ces deuils qui s’immiscent jusqu’aux plus profondes de nos rides.
Une telle beauté macabre irradie de Inevitable qu’une écoute en serait presque redoutable. Il est des mélodies qui rentrent en tension directe avec les profondeurs de nos douleurs, car elles ont peut-être été forgées par des douleurs tout aussi grandes. La dépression de None est omniprésente, elle s’incarne dans sa lexie, dans son artwork de mort-bois sépia, et dans l’essence de chacune de ses lentes suppliques crépusculaires. L’aigu tranchant des guitares ouvre les veines du désespoir et répand une distorsion glacée sur le parterre de ces landes oubliées, à peine réanimées le temps d’un regret (« Never Came Home », « Alone, Where I Can See »). Entre les renoncements que mettent en exergue des screams glacés, un long intermezzo de synthétiseurs apparaît, virgule mélancolique dans l’éternité qui décroît (« My Gift », « Locked, Empty Room »).
L’agonie aura trouvé un terme, une délivrance, avec le dévastateur « Rest ». Le chagrin peut enfin consommer sa fin, la tristesse de None s’évapore dans une dernière ruée d’émotions, et se scelle dans un murmure. Un guide sort des brumes de l’extinction et vient vous prendre par la main. Il sera votre boussole à travers ces landes. Marchez, amoureux du jamais, retrouvez-vous dans l’immatérialité irradiée.
Chronique parue dans Obscur Vol 1 - suivez le lien et soutenez-nous sur https://www.instagram.com/obscur_mag