4 ans !
4 ans que j'avais plus écrit pour ma pomme.
" Percussions" ? Un bide ! Alors, j'en ai eu marre !
A quoi bon continuer à faire des albums qui ne se vendaient pas ? Faire plaisir à la critique Parisienne qui hante encore les cabarets rive gauche, où plus grand chose ne se fait?
Fallait changer. Le Jazz, mon Jazz adoré, ne faisait plus recette.
Alors oui, j'ai retourné ma veste. J'ai retourné ma veste quand j'me suis aperçu qu'elle était doublée de vison.
4 ans. Mais pas 4 années à ne rien faire. Oula, non ! Bien au contraire.
J'dois dire qu'après l'accueil plus que mitigé, par le public, de "Percussions", je m'étais, comment dire ? Un peu éteint.
J'ai dû réfléchir. Longuement réfléchir. J'ai picolé aussi. Pas mal picolé. Puis j'ai pigé !
Mes chansons quand j'les chantent, les gens n'en ont absolument rien à foutre. Ma gueule leur revient pas, ma voix non plus d'ailleurs. Façon j'foutrais plus jamais d'ma vie les pieds sur une scène. Les rires et les insultes sur ma gueule, ça va ! J'en ai soupé !
J'ai pigé qu'il fallait que je sois invisible, que c'est comme ça que les chansons que j'écrivais pour les autres marcheraient du tonnerre. Parce que le talent, je l'ai nom de Dieu !
Elles l'ont eu leur succés, les Gréco, Pétula Clark ou la p'tite Hardy avec sa voix souffrante. J'aime bien ces petites voix presque fausses.
Finalement c'est c'que je voulais faire dés le début : Ecrire pour les autres et rester bien planqué au chaud.
Mais l'autre nympho de Gréco qui trouvait ça " trop personnel" qui voulait que j'les chante moi-même ( Elle avait dèja fait le coup à Brel).Pfff !
C'était la bonne option ! Je savais que ces gamins des Yéyé pouvaient me porter chance. Depuis que ces 4 jeunots de Liverpool * et leur coupe au bol ont déboulés, tout a changé.
D'la "Pop" ils appellent ça. Alors ça y est, me voilà "Pop" !!
J'me suis pas mal amusé durant ces 4 années. Ecrire des chansons pour cette grande gourdasse de Pétula Clark, pour Régine, Michèle Mercier ou Mireille Darc; c'est pas bien compliqué...Et ça rapporte !
Et puis France Gall. Mignonne comme tout le p'tit moineau. C'est là que tout a vraiment démarré. 1965. C'est Gilbert et Maritie qui m'ont présenté à France. Elle devait faire l'Eurovision et choisir entre une dizaine de chansons. Elle a choisi la mienne, bonne pioche ! "Poupée de cire, poupée de son" qu'ça s'appelle.
UN CARTON !! Ouais mon pote. La p'tite est même partie l'enregistrer au Japon. JACKPOT !!!
C'était parti pour moi aussi. J'ai continué d'écrire pour la p'tite.
Mais j'me suis lâché un peu hé hé hé !
Je sais pas, j'en ai eu marre de cette gentille petite fille modèle que parents et grand parents donnaient en exemple à leur rejeton turbulent. Alors j'ai écrit "Les sucettes" hé hé hé !!
Elle a rien pigé la môme ! Par contre les grands, eux, ils ont pigé.
Elle a plus voulu de moi la Lolita. Moi qui l'avais fabriqué. Tant pis. Elles étaient pourtant bonnes ces sucettes à l' anis.
Mais j'dois avouer que ça m'a quand même bien plu de pervertir ces nymphettes innocentes avec mes textes et leurs gros doigts sales.
Et puis ça paye la provocation. J'aime bien provoquer, ça réveille.
4 années riches, très riches ..et dans tous les sens du terme.
En 4 ans, je suis passé de l'intello moche "rive gauche" avec ses costumes étriqués à compositeur adulé, que toute la jeunesse s'arrache, désireuse d'avoir leur "Comment te dire adieu" à eux.
C'est allé vite finalement.
Mon dernier opus ? " Initials B.B".
Brigitte Bardot !!! J'vous ai pas raconté ?! Moi, l'homme le plus laid du monde avec la femme la plus belle de la planète.
Une passion. Une étincelle. Une fulgurance. Elle est passée, elle m'a brûlé. Pillé mon coeur, ravagé, entièrement, il ne reste plus rien.
SI ! ...Il reste un disque.
Un disque à sa gloire. Moderne. International. Comme elle. Enregistré sur 3 ans, entre Londres et Paris.
J'n'arrivai pas à me fixer. Tout allait trop vite.
Il est superbe ce 33 tours. J'y ai tout mis dedans. Elle a tout ruiné en un instant.
C'est Bonnie qui a buté Clyde.
C'est le Docteur Jekill qui fait disparaître Mister Hyde.
C'est cette petite fille blasée qui fait éclater mes bulles de comic strip.
C'est bien cette beauté fatale " qui prononça ce mot : Alméria ".