Oeuvre injustement maltraitée et (presque) mésestimée
Un point d'abord: lorsque l'on apprécie un artiste, sa discographie et sa créativité, tentons de rester objectif, d'apprécier sans euphorie mais en se gardant bien de donner dans le "bashing" gratuit.
De ce point de vue, "Invincible" est à ranger dans les déceptions relatives. Ne serait-ce que par son titre qui, de prime abord, donne du grain à moudre aux défenseurs d'un artiste mégalo, au-dessus de tout. Forcément, là à froid, je me rappelle avoir été quelque peu choqué par le choix de ce titre.
Ensuite, l'opus "suit" de manière quasi-manichéenne le modus operandi des précédents albums: un peu comme ses tournées, qui n'étaient que très peu retouchées au niveau des tracklists, l'artiste se borne à appliquer des recettes tant éculées. La réunion de ce qui se faisait de mieux à l'époque au niveau producteurs (Rodney Jerkins), auxquels on ajoute la team "classique" (Bruce Swedien, Teddy Riley ou même Babyface déjà présent lors des sessions Dangerous), le fameux lot de chansons mid-tempo, la ballade sirupeuse, la chanson revendicative/humanitaire et une ultime variation autour du rapport houleux entre les tabloïds et l'artiste.
Alors pourquoi 6? Car une fois énumérée ces points et si l'on dissèque plus en profondeur, "Invincible" contient son pesant de bon titres. Parmi les réelles surprises, citons "Whatever Happens": tirée d'une démo de Gil Cang et Geoffry Williams, la chanson est tout bonnement bonifiée par les guitares de Santana et l'interprétation à la voix rauque de l'artiste."Speechless" peut s'apparenter à une énième version de la déclaration d'amour made in Jackson. Mais l'intro et l'outro a capella vient brouiller la donne et demeure une valeur ajoutée à la piste. "Break of Dawn" et "Heaven Can Wait" s'inscrivent résolument dans un nouveau virage entrepris par l'artiste à mi-chemin entre percussion assez atypique et présence d'instruments plus lyriques. L'autre "nouveauté" de cette galette demeure dans le côté un peu sombre de ce CD: si la déception ou le mensonge sont des thèmes récurrents dans sa discographie, l'impression de détachement voire de "spleen" vis-à-vis des relations humaines se confirment et tend à réhabiliter quelque peu "Blood On The Dancefloor". Le côté blasé et assez torturé de ce dernier est loin d'être passagé et "Invincible" constitue, en ce sens, une certaine forme de continuité.
Pour le reste, on est très loin du dispensable mais ça n'est pas non plus aussi catastrophique. "Invincible" est une œuvre qui s'apprécie avec le temps: certaines pistes s'écoutent différemment aujourd'hui de par leurs structures (très, trop? épuré, avec prégnance des percussions et sons atypiques), certains samples semblent désuets ou d'autres pistes ("Don't Walk Away" par exemple) frôlent le hors-sujet. "Invincible" symbolise en quelque sorte la soif de perfection de Michael Jackson: de cette recherche effrénée, ressort un opus qui semble se chercher, naviguant entre valeurs/thèmes "sûrs", chansons augurant de la tendance à venir de la "sur-saturation des bass"/"percu à gogo", bluettes et ce retour aux "fondamentaux" ("You Rock My World").