(L’un) perd & (l’autre) mer(de)
Arpenter assidument les salles obscures a un effet pervers, celui de devoir (re)revoir les mêmes bandes-annonces. Celle de "Papa ou Maman" contenait deux écueils : celui de poursuivre jusqu’à la lie le "contre-emploi" dans les rôles attribuées à Laurent Laffitte (en gros celui de la "tête à claque" à qui l’on fait dire des phrases philosophiques puis des insultes) et ce ton à mi-chemin entre du Judd Appatow et le film à sketch.
Les 1ères minutes du film abondèrent dans ce sens avec l’exposé cadencé du quotidien d’une famille nombreuse aisée de Normandie. Forcément, comme l’indique le titre et comme le suggère (à outrance ?) la bande-annonce, le moment tant redouté arrive. La principale force du film est de ne pas s’éterniser sur le potentiel comique d’une situation pourtant délicate. Exit donc la succession de gags ininterrompue autour du divorce, de la parentalité. Certes, ces moments sont là mais il faut reconnaître que "Papa ou Maman" souhaite aller au-delà.
Là où beaucoup se seraient arrêtées aux peaux de bananes, aux insanités dites et colportées, "Papa ou Maman" tente de montrer comment d’une situation où le divorce était tabou, peu à peu la société a décloisonné cette procédure jusqu’à la désacraliser. Fini donc cette chape de plomb entourant le couple, terminé ces "semblants" autour d’une union forte "de façade" & adieu donc l’enfant-meuble que l’on se partage entre la solde du crédit de la maison et le set de vaisselle de la grande-tante. Point de relent zemmourien dans cette critique. Cinématographiquement parlant ça en est presque jubilatoire : pour avoir été de la génération de "Génial mes parents divorcent", "Papa ou Maman" apparaît nettement moins niais sans pour autant perdre de sa verve comique.
Une scène symbolise pour moi l’évolution du rapport parent/enfant face au divorce : dans celle-ci, Marina Foïs et Laurent Lafitte semblent, en prenant toutes les précautions d’usage auprès de leurs enfants, déclamer des phrases d’usage lors d’une discussion, un peu comme sur le ton des policiers au moment de lire les droits de l’arrêté. Point de mythification donc mais pas non plus de régression constante, de banalisation malvenue. En décidant de ne pas décider, le couple sait que la "décision" reviendra aux enfants. Ces derniers auraient pu se voir conférer des prérogatives susceptibles d’accroître les situations comiques (ex : hop du chantage affectif et matériel, hop on va les rabibocher), mais en prenant le partie de montrer des enfants responsabilisés (un peu malgré eux), plus spectateurs ahuris de l’incertitude avérée de leurs parents, "Papa ou Maman" propose une variante intéressante autour du divorce.
De fait, "Papa ou Maman" tente d’exposer toutes les difficultés à redéfinir l’unité familiale et la notion de famille au moment d’une rupture. Que nier le caractère irrémédiable de ces répercussions revient à repousser l’inévitable, et ce quel que soit les aspirations professionnelles, sociales et personnelles des membres de cette famille.
Et c’est là que le ressort comique sert de miroir (plus ou moins fidèle) de notre société : en mettant aux prises chacun des personnages face à un "tournant" qui lui est propre, le film pose la question de la notion même d’unité. Cette dernière est-elle immuable ? Est-elle illusoire ? Se fait-elle au détriment de certains et/ou profit d’autres ?
Bien sûr, le film n’échappe pas à son lot de "déjà-vu" avec le couple d’amis sorte de phare et qui semble résister à tout (quitte à vider sa frustration dans le vélo d’appartement) ou encore l’usage de la bimbo-démon qui fait réveiller la libido en berne de Laurent Lafitte. Et si l’intrigue articulée autour de ces personnages auraient méritées un traitement moins anecdotique, "Papa ou Maman" veut mettre en lumière la séparation de ce couple qui ne fera rien "comme personne". Ce couple frustré, comme emprisonné dans un quotidien qu’il ne supporte plus veut "réussir" sa séparation, la rationaliser jusqu’à tendre au "zéro risque". Et c’est tout l’inverse qui se produit avec ce mélange de tension (aux confins de la puérilité en passant par l’émotionnel, l’épidermique, le bestial voire le sexuel) et de lâché prise qui sera tout sauf maîtrisé.
En confiant les premiers rôles à Marina Foïs et Laurent Lafitte, on obtient ce côté quasi-schizophrénique du couple : lassés d’un mode de vie qu’ils subissent, empâtés dans une monotonie sociale néfaste à toute avancée, confrontés à l’usure du temps dans le couple…du coup, face au radicalisme de l’un, à la redécouverte de soi de l’autre, certes le rire est de mise. Mais le film de nous rappeler, sans moralisme et de manière assez sibylline, que toute prise de décision a son incidence dans la solidité et l’édification de l’unité familiale.