Hé, vous savez quoi ? King Crimson a (encore) changé ! Et ouais ! Boz Burrel remplace Gordon Haskell à la basse, et à la batterie Andy McCulloch laissera sa place à Ian Wallace. Parmi les anciens, on compte encore le saxophoniste Mel Collins et le claviériste Peter Sinfield, l'un des rares membres présents dès le début, mais quittant la troupe après cet album. Le dernier rescapé de l'ère de 1969 est donc Robert Fripp, le seul, l'unique, qui restera jusqu'au bout.
Island fait en quelque sorte OVNI dans la discographie de King Crimson. Pour un groupe à la réputation d'être gros bourrin, cet album est étonnement calme. Ici, pas de riffs, pas de brouhaha, pas de capharnaüm. Ou presque. Car pour les quatre premières chansons (sur 6, c'est quand même pas mal !), la forme reste la même : une intro calme, pour finir sur un déchaînement total. Ça peut être progressif, comme sur Sailor's Tale qui alterne entre plusieurs ambiances ou très brutal, tel The Letters. Et cette similitude entraîne un gros problème : on se lasse rapidement de chaque chanson. Ici, la douceur traîne dans sa longueur, et l'expérimental ne vient que pour compléter du temps. Formentera Lady n'évolue que peu et ne transporte pas, au contraire Sailor's Tale change beaucoup trop pour être cohérent et qu'on puisse suivre le tout.
Fort heureusement, la suite est bien plus distrayante. Si The Letters paraît tout mignon au début, un changement brusque à la Cirkus (dans Lizard) pour finir sur de l'expérimental/free jazz à la manière de cet album. Et étonnamment, ça marche... Prelude : Song of the Gulls sort du lot par le fait que c'est une douce ballade, agréable et sans prétention, classique dans leur albums pour mieux amorcer le morceau final.
C'est normalement avec la chanson-titre que King Crimson est censé envoyer la sauce, la dernière chanson, souvent la plus longue, qui montre tout leur potentiel. Mais ici on reste sur notre faim. Ne me faîtes pas dire ce que je n'ai pas dit : ça n'est pas mauvais, loin de là. Mais ça n'est pas surprenant. Ça reste dans la continuité dans la Prelude, alors que d'habitude, on aurait droit à quelque chose de bien plus dynamique (le discret Moonchild laissait place à l'épique In The Court of the Crimson King, l'excité Cat Food laissait place au mystérieux The Devil's Triangle et le doux Lady of The Dancing Water laissait place à l'époustoufflant Lizard). Mais ici, ça n'est qu'une douce balade, plus longue cette fois-ci, et malheureusement sans véritable évolution. Le tout, appréciable, mais pas mémorable, se termine sur une piste cachée : on entend des gens parler. On a déjà mieux conclu.
Dans la continuité de Lizard, Islands de King Crimson est l'un des albums les plus axés sur le jazz du groupe. À la différence que le premier était plus dynamique et expérimental, le second est bien plus doux. Hélas cette paisibilité ici fait perdre un peu de saveur au génial potentiel auquel on avait eu droit jusqu'alors, Peter Sinfield incarnant la douceur du jazz/ folk. Cependant loin d'être un mauvais album, il reste très agréable à écouter, il est juste divergent de ce qu'on nous sert d'habitude.
Mais si vous êtes là pour le brutal de Robert Fripp, vous risquez d'être déçu.
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