King Crimson déçoit les gens parce qu'ils l'attendent quelque part et Crimson est déjà ailleurs. Toujours ailleurs. Semblable au bateau d'Ulysse traversant les îles Grecques le roi se promène sans limites sur sa planète et accoste sur des îles inexplorées. L'Odyssée du roi cramoisi et de sa cour atteint sur Islands , une douceur voire un érotisme subtil de rock and roll band ne jouant pas le jeu selon les conventions que tant d'adeptes de rock-progressif voudraient le voir jouer.
Islands a le charme lancinant et surprenant de Formentera c'est vrai. Île mythique où se réunissaient les hippies des années 60 et où les groupies de toutes sortes, les Ladies of The road dévoilaient leurs charmes dans l'espoir de se taper pour toujours un musicien riche et célèbre. Qui n'a pas vécu cette époque ne peut totalement succomber au charme de Islands. C'est là la force et la faiblesse ...Non ce n'est pas vrai... si on quitte toutes se attentes et qu'on drope une coupe de cap de mescalines comme à l'époque alors...non ce n'est pas vrai....ce qui est vrai c'est que King Crimson touche ici les splendeurs d'une île qu'il ne revisitera que très rarement.
Il se peut que vous trouviez Boz un peu faible et Wallace pas terrible, mais ce qui a de fascinant chez Crimson c'est que le groupe est toujours plus immense que les membres qui le compose.
Mel Collins est le grand musicien de l'album laissant Fripp (pour une fois) derrière. Et c'est tant mieux. Fripp nous en aurons beaucoup, voire trop, dans la prochaine mouture qui est déjà en gestation à la fin des enregistrements de Islands. Oui écoutez bien Mel car vous ne le reverrez pas de sitôt , ni le piano somptueux et affolé de cascades de Keith Tippett.
Il faut écouter les enregistrements pirates du Collector's Club , cent fois plus intéressants que le Live officiel et désastreux Earthbound, pour se rendre compte à quel point cette formation laissa éclater tout le talent de Mel Collins et combien ce band live était fascinant. Comme référence le concert donné au CEGEP Saint-Laurent à Montréal en 72 par ladite formation. En suivant, sur les enregistrements du CC, la progression de la tournée fin 71 (qui marque le départ de Sinfield en décembre) et toute la tournée du début 72, on est sidéré devant le génie de Mel Collins et la réinvention constante du groupe à chaque soir.
Islands fixe à jamais , en studio, la magie d'un groupe qui possédait des richesses qu'ils déployèrent sur toutes les mers avec une insolence et un “juvénisme” doux et ensorcellant. La finale de l'album est parfaite pour un 4 heures du matin sous l'effet des substances magiques. On saisit alors toute la beauté sauvage et calmante de ce roi cramoisi sur ses îles désertes et abondantes.