1994, Slash carbure au cocktail coke-whisky-amphé-clope-héro pour palier à une déprime causée par la fin de l'interminable tournée "Use Your Illusion". Son plus grand luxe est sa débordante créativité qu'il a besoin de dégueuler et de partager. Fier de compos élaborées au sein du Snakepit, son studio perso, il les soumet à sa majesté Axl Rose dans le but d'illustrer un nouveau chapitre de l'aventure Guns n' Roses en revenant à un Hard Rock plus sauvage, débarrassé de ses paillettes et autres parasites. Son altesse rejette tout en bloc prétextant que le groupe doit évoluer vers des horizons nouveaux et que ses compos manquent de complexité.
Fuck him ! Malgré les menaces du rouquin de le lourder si il concrétise son projet, Slash boucle son projet en moins d'un mois. Il recrute à ses côtés Matt Sorum le puissant marteleur des Gunners et Gilby Clarke, ex-air guitar rythm du même bataillon, fraichement débarqué par le despotique leader et première victime de son appétit d'autodestruction. Mike Inez, bassiste de la maison Alice In Chains et Eric Dover, ex-Jellyfish (recruté parmi des dizaines de prétendants), renforcent et complètent l'équipe type. Dizzy Reed aux claviers et Teddy "Zig-Zag" Andreadis à l'harmonica, deux branches rapportées de Guns n' Roses, se contenteront de brèves apparitions.
Déterminé à mener son projet jusqu'au bout comme il l'entendait, le chapeauté recrute Mike Clink derrière la console, LE Panoramix du son Guns n' Roses. Grâce à lui, l'empreinte sonore si identifiable de Slash est préservée et inonde la galette. Pendant 70 minutes, maniée comme une arme, Slash fait gicler des cordes de sa Les Paul des riffs et des soli incisifs, agressifs, puissants et punchy. Il répand avec maestria toutes ses techniques : slide, acoustique, wah-wah, talk-box...L'album est un condensé de Hard Rock & Roll saupoudré d'un omniprésent parfum de blues chargé en poudre, distorsion et sueur.
"It's Five O'Clock Somewhere" n'est pas un album solo de Slash. Malgré le premier rôle qu'il s'est octroyé, l'album transpire d'une véritable unité autour des 5 zikos où le talent de chacun est valorisé.
La voix de brailleur écorché d' Eric Dover évoque un alliage entre le Rod Stewart des Faces, Steven Tyler et Bon Scott. On sent lors de chacune de ses interventions qu'il s'est arraché le gosier en avalant gravier et verre pilé pour atteindre le niveau de puissance imposé par ses collègues. Ce coup de maitre sera malheureusement le seul. Avant de disparaitre définitivement, il fondera Imperial Drag, un groupe hard-psychédélique-glam de haute facture mais une fois de plus sans lendemain...
"It's Five..." ne comporte aucune note de piano et aucune ballade à la "Patience", "Don't Cry" ou "November Rain" mais plutôt des mid-tempo bluesy frénétiques comme "Neither Can I", "Lower" ou "Beggars & Hangers-On"* (co-signé avec Duff).
Le Hard Rock qui habite le skeud est de l'ADN de "Rocket Queen", "Don't Damn Me", "Garden Of Eden" ou "Shotgun Blues". De cette filiation sont issues les bombes "What Do You Want To Be ?", "Soma City Ward", "Doin' Fine", "Take It Away" ou "Dime Store Rock" au final langoureux et crasse. Par sa conception alternant moments posés et violents, "Lower", inspiré par le suicide de la délicieuse Savannah, présente de troublants airs de famille avec "Coma".
L'unique compo estamplillée 100% Clarke ("Monkey Chow"**) est une des meilleures de l'album : l'imparable riff du refrain couplé aux incessants breaks bastonnés par Sorum constituent 4 minutes d'un groove pandémique !
50 % boogie, l'instru "Jizz Da Pitt" joué les doigts dans la prise est un prétexte à une branlette impeccable de Slash qui s'achève en empruntant les contrées hypnotiques du pays d'Alice In Chains.
"Good To Be Alive"*** inclue lors de sa dernière minute un délicieux moment où s'emmêlent de toutes parts riffs et soli funky.
"Be The Ball", "I Hate Everybody But You" et "Back And Forth Again" (qui revisite "With A Little Help From My Friends" sauce Cocker) soit le trio constituant l'épilogue de l'album paraissent un chouïa pataud en comparaison du niveau d'excellence atteint depuis le début.
Immanquablement, les lyrics envoient quelques piques vers le royal séant d' Aqouell Rose décelables dans "What Do You Want To Be ?" : "You're collecting sympathy and then you hide, and ya ain't been out in days, will the sunshine burn your face, preserve your precious skin, I'll go out, you stay in, what the hell do you want to be, following the trends that never end...you make me sicker than the wine you drink..." ; "Take It Away" : "You and I have been playin' this game for so damn long, and I don't know why these cards are too old, so I'm gonna fold, bye-bye..." ou encore "Doin' Fine" : "Don't know what you're missin', having a hell of a time, don't know what we're doin' but I think we're doin' fine"...
Injustement sous-estimé lors de sa sortie en 1995, "It's Five O'Clock Somewhere" a regagné au fil des années la réputation légitime qu'il a toujours mérité. A l'exception du biblique "Appetite For Destruction" (1987), "5 O'Clock" est un incontournable piliers dans la carrière de Slash au même rang que "Contraband" (2004) !
* https://www.youtube.com/watch?v=FddCGr7mD54
** https://www.youtube.com/watch?v=EqVmLwZIpQ4
*** https://www.youtube.com/watch?v=QVq3OnsjbCg