En cette glorieuse année 1973, le peu prolifique cinéaste US Franklin J. Schaffner, fraîchement auréolé du combo "Planet Of The Apes" &"Patton", enchaine avec "Papillon" qui constituera le summum de son art.
Encore endeuillé par la récente mort de son ami Bruce Lee dont il porta le cercueil aux côtés de James Coburn, Steve McQueen, mastodonte hollywoodienne, 43 unités au compteur partage l'affiche avec Dustin Hoffman de 7 piges son cadet qui rafle millions de dollars et gloire depuis "The Graduate".
À chacun de ses films, il se fait affranchir par un Parrain du milieu : Arthur Penn ("Little Big Man"), John Schlesinger ("Macadam Cowboy") ou par Sam Peckinpah ("Straw Dogs") le dernier en date.
Pour Schaffner, Hoffman chausse d'improbables lunettes-loupe dégotées dans un magasin de farces et attrapes et se coiffe d'une discrète calvitie tandis que McQueen, "The King Of Cool", déroule son charisme et son jeu fait d'une décontraction et d'une sobriété impeccablement maîtrisées.
Le duo fonctionne à la perfection avec un McQueen, viril et loyal qui prend sous son aile son chétif mais fortuné compagnon depuis le voyage glauque dans la cale surpeuplée d'un navire jusqu'à l'Enfer du bagne et ses rations de soupes faméliques agrémentées, pour les plus gourmands, de scolopendres ou de cafards.
Le travail de Schaffner et de toute son équipe technique est admirable dans la reconstitution du bagne guyanais, de l'armée colonialiste, des forces de l'ordre et de la faune.
La photographie inondée de soleil restitue à la perfection la moiteur de l'île bien que les plans furent shootés en Espagne, à Hawaï ou en Jamaïque.
Bien que situé sur un territoire et dans un contexte franco-français, pas un seul comédien de notre cru n'apparaît à l'écran ! (J'aurai joui de voir Jean-Marie Proslier ou Pierre Tornade donner la réplique à Steve McQueen !)
Schaffner brode sur un scénario sans faille lié à une réalisation qui prend son temps et profite des cadres naturels sans toutefois verser dans le contemplatif.
"Papillon" est parsemé de rencontres avec des personnages étonnants dont les lépreux, le pointeur marocain du dortoir, le braconnier au visage entièrement tatoué, la perfide nonne ou les autochtones lors d'une longue scène onirique, véritable moment rafraîchissant dans un film oppressant de bout en bout (j'ai cru reconnaître Bernard Lama enfant d'ailleurs !)
Comme tout ce qui a 40 ans, "Papillon" n'a pas pris une ride grâce aux jeux admirables de McQueen & Hoffman, la réalisation sobrement magistrale de Schaffner et ses thèmes universels et intemporels : l'amitié fraternelle et la liberté.