Souvent on est déçu par les adaptations de livres à l'écran, mais Papillon, tiré du célèbre récit de Henri Charrière, fait exception à la règle. Ce fut en effet d'abord un énorme best-seller écrit par un ex-taulard, vendu à 17 millions d'exemplaires dans le monde. Puis ce film en 1973 relança le livre et permit à Franklin Schaffner de signer une oeuvre puissante, parfois violente, où l'émotion passe dans le sillage de son héros bagnard qui manifeste une énergie, une endurance et une rage peu communes, tout en dénonçant la sauvagerie et les conditions inhumaines du système pénitentiaire français dans les années 30. Le bagne de Cayenne, reconstitué en Jamaïque, est un décor très réaliste de ce que pouvait être l'horreur de cet univers carcéral.
Le réalisateur joue la carte de l'aventure en accumulant les péripéties, car c'en est une, véridique, qu'un scénariste n'aurait pas mieux rêvée ; Schaffner est ainsi fidèle au livre de Charrière qui a vécu cet enfer vert, donc rien n'est inventé ou grossi, et certaines scènes parfois très dures sont un reflet authentique du passé de bagnard de Papillon, où rien n'est épargné au spectateur : brutalités, brimades, privations, obscurité, isolement, maladie, avilissement, délation, cachot de cage à fauve...
De cette façon, Steve McQueen vit d'une manière quasi viscérale ce rôle de Papillon, condamné injustement pour meurtre, en lutte perpétuelle pour sa dignité, sa survie et sa liberté, obsédé par l'évasion. Son face à face avec Dustin Hoffman dans le rôle d'un faussaire subtil et épuisé qui finira brisé par ses geôliers, ne manque pas de chaleur humaine. Le réalisme saisissant des images, agrémenté par le lyrisme de la musique de Jerry Goldsmith, donne une vision fidèle de la cruauté de ce monde carcéral. Un grand film qui exalte le triomphe d'un homme acharné à reconquérir sa liberté.