Lucidité émotionnelle.

Kehlani, la native d'Oakland est de retour avec son deuxième album "It Was Good Until It Wasn't".

Malgré ses nombreux triomphes et tragédies depuis 2017, Kehlani a pris ses moments les plus sombres et les a transformés en continuant à offrir au monde sa musique.
Dans la foulée de la mixtape "While We Wait" de 2019, le dernier projet de Kehlani nous offre une vision de l'inévitable déchirement, dans le contexte de la lumière, du R&B estival des années 90 et de la soul hip-hop contemporaine floue.

Canalisant son voyage profond et introspectif de découverte de soi, "It Was Good Until It Wasn’t" brise le moule de l'intimité. Des morceaux comme "Water", "Grieving" avec James Blake et "Serial Lover" résonnent profondément avec tous ceux qui cherchent à gagner en croissance et en prospérité après une rupture. Après avoir livré des titres "Toxic'' et "Everybody's Business'' qui étaient accompagnés de ses clips musicaux auto-tournés et montés en style quarantaine DIY (au passage, celui de Toxic est inutilement aguicheur, en total inadéquation avec les paroles), Kehlani lâche tous les démons qui la retenaient.

L'ouvertur menaçant Toxic prépare le terrain pour ce à quoi ressemblera le reste du disque. Au-dessus d'une ligne de basse palpitante et d'un synthé scintillant, Kehlani dit sèchement à un ex-amoureux: "Toi, une putain de drogue, tu es toxique" . 
Ces paroles grésillantes et mordantes se poursuivent sur quasi tout l'album.
Sur Everybody Business, Kehlani décortique sauvagement la fascination des gens pour sa vie personnelle sur une guitare acoustique clairsemée.
Sur l'étouffant Open (Passionate), Kehlani évalue hypothétiquement les avantages et les inconvénients d'une relation ouverte.

La production, cependant, menace parfois de devenir un peu identique. Water, un beat assez commun centré autour d'un riff de piano récurrent, boite jusqu'à la ligne d'arrivée.
Et la collaboration avec le musicien de jazz Masego, Hate The Club n'a pas de raison d'être, en particulier lorsqu'il est niché entre des morceaux de qualité supérieure, le fameux Everybody Business donc et le délicieux Serial Lover.

Ailleurs, des collaborateurs tels que Jhené Aiko et Lucky-Daye imprègnent Change Your Life et Can You Blame Me de leur esthétique ambiante et sombre, tandis que le crooner britannique James Blake contribue à la réussite de l'album avec la ballade exceptionnelle Grieving.
Leur présence sur le disque sert à compléter, plutôt qu'à nuire à la lucidité émotionnelle constante de Kehlani. Bien que l'approche fataliste de la chanteuse face au chagrin semble parfois exagérée, elle sert d'indicateur de son approche sur l'album: cool, concentré, touchant et précis.
C'est un esprit illustré par le dernier titre de IWGUIW, "Lexii's Outro" - dirigé par le rappeur récemment décédé Lexii Alijai, basé au Minnesota. Un rappel brutal d'une vie perdue trop tôt, il met les sensibilités brisées en perspective: la romance, comme la vie humaine, est passagère et éphémère, avec des pics et des creux qui vous aspirent et vous recrachent à nouveau. C'est éternel.

Le but final de "It Was Good Until It Wasn’t", comme Lexii le déclare de façon poignante sur la piste, est «d'agir comme si vous étiez au sommet, même si vous êtes au fond du gouffre».

Reprenant sa force, sa vulnérabilité et son temps à ceux qui ont pris sa bonté pour faiblesse, Kehlani embrasse la femme qu'elle est devenue aujourd'hui. Trois ans après la sortie de son premier album studio "SweetSexySavage'', la chanteuse R&B refuse de retenir ses émotions, offrant quinze morceaux soyeux mais sensuels et touchants qui vous invitent dans son cœur.

7/10