La confiance de Thug

Rappelez-vous, été 2016, Thug nous rabâche que son nom est maintenant JEFFERY.
Une promo originale pour le troisième projet de l'année. Et d'originalité, avec lui, il en est souvent question.
JEFFERY va le prouver, une fois de plus.

L'album éponyme donc, comprend 10 titres nommés d'après différentes idoles et influences de la vie de Thug. Produit par Wheezy et TM88 (aidés de Billboard Hitmakers et Supah Mario) et mixé par Mike Dean et l'ingénieur derrière Barter 6 de 2015 , Alex Tumay, cet album est, pour moi, sur le plan sonore, un des plus ambitieux de Young Thug à ce jour.

En rendant hommage à d'autres artistes, Jeffery parvient à conserver un aspect distinctif du son ou du style de son sujet tout en livrant quelque chose qui lui ressemble.
Avec l'inclusion de quelques influences dub et reggae dansantes sur "Wyclef Jean" et "Swizz Beatz" en plus d'une chanson brillante qu'est "RiRi", il y a suffisamment de fraîcheur ici pour en faire sa sortie la plus excitante de 2016. Il y a aussi une multitude d'invités familiers pour équilibrer ses vers. Thug mêle menace et atmosphère sur le "Floyd Mayweather", ode aux années 808 avec Gucci Mane , Gunna et Travi Scott, et tourbillonne d'amour non partagé sur le slow jam tropical "Pick Up the Phone" avec Quavo et Scott . Wyclef Jean lui-même débarque sur la chanson "Kanye West", dans laquelle nous pouvons nous apercevoir que stylistiquement, Young Thug doit autant à Wyclef qu'à Gucci et Future. Et personnellement, un des meilleurs titres de la discographie de Thug se trouve dans JEFFERY. C'est l'incroyable "Guwop". C'est le plus bel hommage jamais entendu sur le papa de la Trap, Gucci Mane sans parler une seule fois de lui, excellent.

Mais le plus gros argument de Jeffery est la voix de Thug. Tout simplement unique et par moment démente et jouissive!
Je m'explique, Enfermé dans les rythmes, Thug n'est contraint que par les limites de sa voix, et même par celles contre lesquelles il s'oppose obstinément à chaque occasion. Sa voix me rappelle un peu Prince dans la façon dont il aime remplacer ses voyelles par de petits hurlements et des cris. Il y a même un peu de blues dans «Harambe»où il tire des exhortations gluantes hors des profondeurs de son ventre.
Les bruits qu'il fait ne me font pas me demander comment il les fait autant que comment il a le culot de les faire. Il change de flux en permanence. Il utilise les muscles de sa bouche comme une machine, et il fait toujours quelque chose avec ses lèvres, sa langue ou le fond de sa gorge pour déformer ses voyelles ou rendre ses syllabes extra-flexibles. Cette liberté rend l'écoute de Thug non seulement exaltante mais aussi inspirante. Les détracteurs qui s'opposent à l'accent mis sur la livraison plutôt que sur le lyrisme crieront inévitablement que cette musique ne nécessite aucun talent, que n'importe qui pourrait la faire, que mon enfant pourrait peindre cela.
Alors pourquoi personne d'autre ne fait ça?
Simple: ils n'ont ni le talent, ni les couilles.

En fait, bien qu'il soit plus extrême à bien des égards que "Slime Season 3" ou "I'm Up" sortis cette même année, Jeffery est paradoxalement un des ses projets les plus populaires.
Sûrement parce que les sonorités rencontrées tout au long de l'écoute, ces influences, le sont ; populaires. Reggae, Pop Rap, Synthés Dub, accords House. Tout cela avec une réelle profondeur.

Young Thug a une confiance rafraîchissante en lui-même et en sa trajectoire de carrière, mais il est aussi constamment imprudent avec son exécution, pour le meilleur, rarement pour le pire.
Quoi qu'il en soit, Jeffery est un témoignage de l'esprit insouciant du rappeur.
Et si son expression de soi décomplexée vous offense, il n'a qu'une seule ligne pour vous, elle se trouve dans "GUWOP":
"Man, I don't want no new friends, forgive me for all of my sins."