Habitué à la dérive industrielle de la pop, je n'établissais aucun engouement ni aucune fouge relative à l'arrivée d'un album de M83. Porté par Anthony Gonzalez, ce groupe eut fasciné son pays natal par l'éclosion d'un titre phare, Midnight City, offrant diverses interrogations quant à la pertinence de cette pop mixée dans une multitude de genres musicaux. Par la suite, le groupe n'offrira que des œuvres de commande, à la fois pour l'industrie cinématographique américaine (avec Oblivion) et française (avec Les Rencontres d'après minuit, qui est réalisé par le frère d'Anthony). Pourtant, Junk s'inspire de ses diverses expériences pour offrir un nouveau rapport avec la musique, pour faire "quelque chose de nouveau", comme le sieur Gonzalez prétend dire. Des excès stylistiques et de la gourmandise cocaïne arrivent néanmoins à contredire les tristes pensées du monsieur concerné, puisque l'album n'apporte aucune nouvelle conception, que ce soit musicalement ou idéologiquement. Pourquoi évoquer l'idéologie ? Puisque l'intérêt autour de M83 dépasse de loin le cadre musical. Il s'agit d'une guerre continentale, pour savoir où ce groupe a trouvé ses inspirations, ses trouvailles. Peut-on porter la légitimité morale de porter un groupe américain (mais composé de français) puisqu'il fait un travail inconnu dans son pays natal ? Et justement, dans cette question dérisoire et superflue, M83 relève d'un génie hors-pair en proposant de la pop inintéressante, abordant une fausse idée de concept sur l'esprit "junk" de l'album.
Les premiers morceaux sont proprement dans cet esprit catastrophique, où les synthé de "Do It, Try It" rappellent constamment ces morceaux ringards des années 80... puis vient la cassure du rythme, avec toute la facétie propre à l'album, rappelant beaucoup l'explosion répétitive de Midnight City. Et le problème n'est que croissant ! Tout part en vrille au fur et à mesure que les morceaux se suivent ! "Do It, Try It" est une introduction façon McDo, où la subtilité n'est guère présente... et pourtant... M83 s'attardait à une certaine époque sur le respect stylistique des compositions...
Le saxo introduisant "Go!"... le synthé derrière... la gratte derrière... mais pourquoi ne pas chercher quelque chose de plus varié ? Franchement, ce n'est qu'une application sans complexe de l'appareil radiophonique des morceaux pop, où l'on s'interroge sur la pertinence du morceau. L'excuse du "c'est pour rendre hommage" sera en plus de mainmise pour les fanas... Walkaway Blues dans la même lignée, même structure que les deux premiers morceaux. Le cadre balance sa voix, les instruments en roue libre derrière, petit moment éthéré et hop hop hop les esclaves ! On balance l'explosion ! Des synthé et des voix robotisées oh lala ! C'est pour toi Euro 2016 !
Bibi The Dog est néanmoins intéressant, tant par la présence de Mai Lan (à la voix si sensuelle) que par l'utilisation du français dans le groupe. Même traitement, on uniformise tout, tout, tout, tout, voix robotisées, synthé désuet... puis ça ressemble beaucoup aux compositions en roue libre des Daft Punk. D'autant plus que le morceau s'en inspire très clairement. Mais bon, on te balance le refrain encore une fois, car c'est de la 'junk music' ohoh !
Moon Crystal est particulièrement gênant. Faut imaginer le Gonzales sous amphét' avec ses potos musikos' en train de se dire "putain mais ce serait géant de faire un album tourné entièrement autour du délire perpétuel ! Attends mec, tu le sens l'album festif que l'on aurait tous voulu avoir pendant notre enfance ? Je vais le faire !". Ce diable réussit à introduire Susanne Sundfør sur le morceau suivant... et ça fait mal, mais c'est toutefois moins pire. Solitude participe également à cette sensation très gênante lors de l'écoute de l'album : une trop grosse production, un luxe ridicule dans les instruments, une parodie d'ambient dans la seconde partie.
Ouf, The Wizard respecte un peu l'ambient, avec une production plutôt lo-fi... merci pour ce moment... j'pensais pas trouver ne serait-ce une idée moins pire sur l'album... ah mince, le morceau se décompose dans une énième caricature stylistique... tant pis. Laser Gun/Road Blaster : même combat, même structure que les premiers morceaux, mêmes instruments, mais c'est voulu pardi ! Respectez les artistes quand même ! Merde !
Et là, le malaise envahit mon esprit. Quelque chose de terrible s'amorce, des grimasses se projettent sur mon triste faciès... Atlantique Sud est arrivé. Simple impression d'écouter une parodie ô combien originale de l'amour et du malaise affectif, mais juste une simple impression. Pas ridicule, surtout pas ridicule. Non mais les mecs, on vous le dit, c'est fait exprès ! Et si tu n'es pas d'accord, tu n'es qu'un sale insensible !
L'album devrait se clôturer ainsi, puisque ce morceau participe à la déconvenue monumentale de son écoute. Je ne pensais que l'on pouvait faire aussi ridicule pour un groupe aussi "apprécié" (étrangement, les vestes se retourneront) à une époque où la musique était réellement travaillée dans les compositions... tout n'est que parodie ! Parodie de la pop, parodie de l'électro-pop, parodie des années 80, parodie de tout et n'importe quoi ! J'en ai assez des génies qui sortent des albums sous prétexte de participer à l'ambiance "junk" de cette industrie !
En bref, une déception amère, il vaut mieux écouter Neon Indian et son VEGA Intl. Night School sorti en septembre dernier pour écouter un véritable album rendant hommage aux sonorités d'un autre temps. Mais surtout, il faut méditer sur la quête musicale, sur la réflexion de l'artiste. Évidemment, ce n'est pas sur cet album que l'artiste va pouvoir resplendir, mais il pourra montrer son investissement sur un projet ringard.