Kamikaze. Le titre de l’opus surprise d’Eminem n'attire pas plus que ça, au premier abord ; mais en écoutant l'album, on se rend compte que Mathers l'a parfaitement choisi. Parce que Kamikaze a réellement tous les éléments d'une opération kamikaze. En effet, en s'attaquant au rap game comme un Zéro japonais, Slim Shady (crédité comme producteur exécutif avec Dr Dre) revient dans la course, en détruisant tout, en clashant sans concession des artistes populaires, en s'attaquant aux critiques, et même à ses fans qui n'auraient pas apprécié Revival. Cela donne le meilleur album de Mathers depuis bien longtemps, mais ce LP porte bien son nom : Em' survivra-t-il à son opération kamikaze ?
Parlons d'abord du disque en lui-même.
Il s'ouvre sur trois premiers titres d'une intensité et d'une qualité rares. The Ringer est excellent ; sur un type de beat que Mathers ne maîtrise pas forcément, il s'illustre par un flow brillant. A l'écoute de ce titre, j'avoue que j'ai été rassuré et que j'ai écouté le reste de l'album avec un enthousiasme renouvelé et que je pensais épuisé. Eminem n'hurle plus, il rappe ; et il rappe très bien. Greatest est dans la continuité du premier titre au niveau de l'intensité, même si le titre est moins bon. Enfin, pour finir cette première partie de Kamikaze, Lucky You brille par sa qualité, par le flow de Joyner Lucas et de Mathers, et surtout par leur association parfaite. Le refrain est entraînant, reste dans la tête. Et un refrain d'Eminem qui se ballade* dans la tête, cela n'était pas arrivé depuis bien longtemps.
Les charges de Slim Shady continuent avec force dans Not Alike, Kamikaze et Fall. Du pur Slim Shady. Dur, drôle, explosif, dans un enrobage de qualité, avec un flow revenu au top.
On oublie presque la faiblesse de Nice Guy. Avec un morceau comme The Ringer, Lucky You, ou Fall, on renoue avec les morceaux corrosifs d'Eminem.
Revival est bien loin. En fait, Eminem sait toujours rapper.
Bref, l'opération Kamikaze est réussi d'un point de vue artistique. En écartant Rick Rubin de son travail, le résultat gagne en efficacité, en clarté, en sobriété et surtout, surtout, en cohérence. Le dixième opus d'Eminem est de grande qualité.
Reste le côté tactique de l'opération. Pour l'instant, tout laisse croire que Mathers a réussi ce qu'il voulait. En prenant les armes de ses cibles (leurs beats et l'imitation de leur flow), Slim Shady a touché de nombreux rappeurs. Tout le monde répond à l'appel : MGK fait l'erreur d'appeler son diss Rap Devil, Joe Budden s'enfonce, Die Antwoord répond présent, et enfin 6ix9ine reprend Lose Yourself pour clasher Mathers. Lui qui répétait que les jeunes rappeurs ne respectaient pas les anciens, Slim Shady a secoué le tout et a montré, qu'en effet, cette jeune génération ose s'attaquer à Eminem (Haha!).
Maintenant, il reste à savoir si Eminem va savoir reprendre de volée les superbes passes que leur font MGK et ses comparses. Pour l'instant, en reprenant ses titres phares, au succès critique indéniable, ils ont balancé beaucoup de fuel sur l'incendie que Em' a déclenché. Sera-t-il capable de les couler avec des diss tracks dont Slim est si friand ?
Je ne doute pas des capacités d'Eminem pour ça, mais une opération kamikaze, ça se finit souvent par une fin en carbone. Pour le coup, ce serait une belle mort.
Wait and see.
9/10