Enfin un très bon album [MàJ Deluxe Edition]

En regardant la discographie récente du rappeur de Détroit, on peut constater un déclin constant et désolant depuis Relapse en 2009. Après le nauvrage de Revival (2017), Kamikaze (2018) donnait un aperçu des capacités réelles d'Eminem avec des phases de très bonne qualité. Cependant, l'album faisait plutôt mixtape qu'album et laissait les fans sur leur faim en s’épuisant assez vite.
Sorti comme Kamikaze en surprise, sans aucune promotion, l'album est de bonne qualité. Non qu'il soit brillant, mais on attend pas ça du créateur des mythiques MMLP et The Eminem Show, on attendait qu'il se remette en question, et qu'il refasse du rap, plus de la pop.
Evidemment les avis sur ce concept-album seront contrastés, mais j'apprécie le thème abordé, avec sa patrie toujours plus au centre de ses propos. Le retour de Dr Dre (à la production de sept titres sur les vingt que comptent l'album) se révèle payant avec des beats de qualité. Le cover, de couleur rouge avec un Eminem en costume, nous rappelle la cover de The Eminem Show. Pour marquer le coup de la sortie de l'album, Eminem a publié le clip de son titre Darkness, où il profite de son aisance pour le story-telling pour continuer sa croisade contre Trump et les armes à feu. La vidéo est raccord avec l'album : sombre et violent.
La direction artistique est pour une fois assumée, va dans un sens même s'il se perd un peu parfois dans d'anciennes facilités (Leaving Heaven (ft. Skylar Grey), l'album a une cohérence. Le thème Hitchcockien de l’album est repris avec habileté, et Eminem s’emploie une fois de plus à aborder des sujets violents, comme Sir Hitchcock, pour capter l’attention. Et les choix musicaux (on sent qu’Eminem a refait appel aux « anciens », DJ Alchemist et Luis Resto en sont des bons exemples) sont audacieux et souvent agréables.
Outre la facilité technique déconcertante d'Eminem, qui rend l'extraordinaire ordinaire, les productions sont soignées. Eminem est extrêmement doué, que ce soit dans son flow, agréable dans l’ensemble de l’album (au strict opposé de Revival), et dans sa façon de raconter les actualités avec un regard brutal et empli d’humour très noir. Bien sûr, les refrains ridicules de Those Kinda Nights et le vide de son nouveau record (Godzilla), contredisent ce talent, indéniable dans Darkness. Mais les featurings (Unacommandating (ft. Young M.A.), You Gon' Learn (ft. Royce da 5'9" & White Gold), Lock it up (ft. Anderson .Paak) et No Regrets (ft. Don Toliver), sont bien choisis, apportent de la fraîcheur à l'album, et surtout ouvrent sa musique à d’autres rappeurs, lui qui n’invitait sur ses LP plus que des pop-stars.
Peut être qu'avec Revival Marshall Mathers s'est réveillé, a voulu arrêter son dérapage vers la pop et reprendre le rap. Bon, par contre, on a compris qu'il rappait genre très très vite et ça en devient lassant (Godzilla). Les refrains chantés par Eminem sont pour une fois de qualité (Marsh, Farewell (uniquement mélodique) et Little Engine, et j'ai apprécié -chose peut-être bizarre- Step-Dad).
A part Yah Yah que je n’arrive pas écouter, je trouve finalement mon compte dans cet album. Le meilleur Eminem depuis plus de 10 ans.
En effet, et alors que j'avais détesté les premières écoutes, je trouve que cet album peut se révéler très appréciable pour un fan, et bon pour les autres. Car ce n'est pas le réveil du Slim Shady des années 2000, mais Eminem nous livre par surprise un album qui se révèle bon. Juste bon, et fort. Pas plus. J'en attends pas plus de lui, je dois reconnaître.


SIDE B
Par surprise aussi, en décembre 2020, Eminem rajoute 16 pistes à son disque avec une Deluxe Edition d’excellente qualité. L’auteur de Music To Be Murdered By suit toujours le même fil rouge pour ses nouveaux morceaux. L’album a finalement remis de la superbe au nom d’Eminem, marque bien soignée par une communication sur les réseaux sociaux. L’artiste derrière ces chiffres de ventes hallucinants, lui, est toujours aussi talentueux, et a fait pour cette Side B de meilleurs choix que pour l’œuvre originale.
En effet, on peut compter un nombre supérieur de morceaux de qualité sur cette Side B : Black Magic (avec Skylar Grey), Book of Rhymes (feat. DJ Premier), Favorite Bitch, Gun Blazing (qu’il a échangé contre un autre morceau à Dr Dre pour son prochain album et sur lequel le Docteur apparaît), Gnat, These Demons, l’excellent Killer, Zeus pour finir sur un Discombulated qui rappelle de bons souvenirs aux adorateurs de Relapse.
Le parallèle avec Relapse ne s’arrête pas pour moi à ce morceau. Comme son aîné, MTBMB est certainement encore sous-côté, mais le nombre de lecteurs ne baissant jamais pour cette icône de la pop culture, réhabilitée en quelques sortes par les médias américains (le bon accueil du disque, les éloges pour sa performance aux Oscars, les chiffres qui font de lui l’artiste qui a le plus vendu aux USA ces deux dernières décennies, et le troisième artiste le plus streamé).
Dans cette ambiance favorable, Eminem a surfé sur le succès de Godzilla pour en faire un single à succès, ce qui a conforté la monté en puissance de MTBMB.
Maintenant renforcé par une Deluxe Edition très riche, beaucoup plus que n’importe quelle autre d’Eminem, l’album semble inépuisable pour les adorateurs d’Eminem, et va pouvoir prospérer. Il y a fort à parier que les critiques vont évoluer de manière similaire à Relapse, et l’album recevra l’aura qu’il mérite. Sur la Side B, les sons renforcent de beaucoup la puissance qui émerge des morceaux. Les productions sont soignées et les rimes travaillées comme un orfèvre, l’ambiance Hitchcock est toujours bien présente, donnant une grande cohérence globale à tout le disque. Eminem reste le Eminem décrit plus haut, ahurissant par sa technique, mais peut-être encore plus serein dans la Maestria de son flow.
Reste à savoir maintenant si Eminem et ses équipes arriveront à faire d’un de ces excellents sons un single qui marche comme Godzilla pour donner à un des derniers albums d’Eminem (il a 48 ans), une nouvelle vie. Comme l’a souligné Vald, l’artiste de Detroit domine toujours le rap américain après plus de 20 ans de carrière, et produit de nouveau (depuis Kamikaze) des albums de très bonne qualité, avec un phrasé et un flow inimitables. Cette incroyable longévité et le talent intrinsèque du rappeur américain seront reconnus à leur juste valeur dans quelques années, quand il aura disparu du game et qu’il ne sera plus aussi clivant. Que l’on soit fan ou pas, on ne peut pas contester que cet artiste a bouleversé le rap, l’aidant à rentrer dans une nouvelle dimension, celle de sa domination dans la pop culture. Partant de là, on ne peut reprocher à Eminem ses ego-trips.


*«B**** you talkin’ to a Rap God,
B**** you talkin to a Monsta»*

G_DUB
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le 27 janv. 2020

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