Kid A
7.9
Kid A

Album de Radiohead (2000)

Kid A on peut dire que c’est déjà de l’histoire ancienne, et pourtant il se passe quelque chose à chaque fois que l’album démarre, comme si un cycle se tournait encore et à nouveau, que chaque écoute ré-enclenche.

Le groupe, à bout de souffle, ne semble plus fonctionner correctement, et au lieu de remettre de l’huile sur leurs engrenages, ils décident de faire, très concrètement, table rase.

Le titre du premier morceau, Everything in its right place, semble être à la fois l’annonce d’un tel projet, et la confirmation de sa réussite potentielle.

On peut dire bien sûr que Radiohead est un groupe qui chante la noirceur et la défaite, mais cette petite révolution interne et ce renouveau créatif est en soi une note d’espoir, sinon une éthique à ériger comme une maxime personnelle : quand ça ne va plus, il faut effacer... et recommencer.

J’aime beaucoup cette citation de Bruce Lee, et même si on peut l’appliquer à beaucoup d’autres circonstances, je crois qu’elle convient bien au projet Kid A / Amnesiac en général et à l’esprit créatif dans lequel baignait Radiohead à ce moment-là :

« Il ne convient pas d’accumuler, mais d’éliminer. Ce n’est pas l’accroissement quotidien, mais la diminution quotidienne. Le sommet de la culture fut toujours la simplicité. »

Après un OK Computer boursouflé, fatigué, irradié, à l’image de l’environnement du groupe à ce moment-là (environnement qui résonna de manière considérable et inattendue avec l’environnement politique, social et culturel de l’époque), Radiohead a envie d’effacer, de simplifier.

Et “Everything” le fait de la manière la plus surprenante et la plus naturelle qui soit : une voix et un synthé, un homme et une machine, qui travaillent enfin main dans la main, non pas l’un contre l’autre.

C’est l’anxiété qui planait dans les premiers albums du groupe. L’anxiété des guitares de la structure rock traditionnelle, l’anxiété et l’inquiétude du XXIè siècle approchant, l’anxiété prenant forme dans des proportions quasi-épiques (Paranoid Android), montagnes russes de vertiges et de regrets mélancoliques, dans une sorte de haine englobante, la haine auto-destructrice de l’homme trop conscient.

Le XXIè est arrivé, Radiohead a survécu à la fin du monde, Radiohead est un groupe intelligent, bien conscient de son succès, de sa place, et surtout de cet égocentrisme latent, enfer de l’auto-satisfaction auquel le groupe n’est pas prêt à succomber.

Les sessions de 1999/2000 se passent et quelque chose d’assez formidable et d’assez rare se passe, qui a déjà été mentionné mais qui mérite tous les éloges qui ont pu fleurir depuis 14 ans : les égos du groupe se dissipent pour construire un son nouveau, une paix relative, en tout cas une volonté d’harmoniser l’homme et la machine, volonté forcée peut-être mais geste honorable : tout est à sa place.

Kid A, c’est l’album d’après la fin du monde, d’après toutes les fins du mondes, un grand album de rock post-apocalyptique en quelque sorte... et, je crois, un album plein d’espoir.
Garfounkill
10
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Créée

le 10 juin 2014

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Garfounkill

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