C’est en 1981 à Los Angeles, l’un des foyers du glam metal, que Lars Ulrich le grimaçant, à l’origine destiné à devenir tennisman mais corrompu par le pouvoir du hard-rock à la suite de l’écoute du Fireball de Deep Purple, publie une annonce dans le journal local, cherchant des musiciens sur la même longueur d’onde que lui pour entamer des jam sessions sur des groupes cultes britanniques, à savoir Diamond Head, Tygers of Pan Tang ou encore Iron Maiden. C’est un adolescent du même âge que Lars le grimaçant (entre 17 et 18 ans) qui va lui répondre en premier, James Hetfield le picoleur, viking encore imberbe d’1m85, légèrement porté sur la binouze comme tout métalleux qui se respecte, et qui a de la rage à revendre. De cette franche camaraderie virile naîtra une formation encore fragile qui accueillera en son sein des musiciens comme Ron McGovney l’oublié ou encore Dave Mustaine le teigneux. Metallica est né et pousse ses premiers balbutiements.


Passé quelques démos, de la sueur, du sang et de la bière, une promo basée sur un bouche-à-oreille restreint mais fédérateur et des concerts dans les fosses, le groupe embarquera dans son van qui n’a plus de toit (selon la légende fondu par les fortes macérations de l’alcool) pour aller à l’autre bout du pays, dans l’État de New York, afin d’enregistrer son premier album. C’est à ce moment là que Mustaine le teigneux, un peu trop porté sur la picole (un peu plus que les autres en tous cas) se fait virer du groupe. Il repartira pour Los Angeles et fondera Megadeth pour se consoler. Entre temps Ulrich le grimaçant et Hetfield le picoleur ont fait la connaissance de Cliff Burton, un hippie aux pantalons patte d’eph, dieu de la basse, fan de Lovecraft et de musique classique, et remplacent Mustaine le teigneux par Kirk Hammett le silencieux, ex-guitariste d’Exodus (autre formation un peu fêlée) un petit peu plus calme que les deux têtes pensantes et éternel spectateur des déboires affectifs de Lars et James.


C’est donc en 1983 que Metallica, composé de ces four horsemen énervés comme jamais qui constituent le line-up légendaire du groupe, accouchent de leur premier disque, j’ai nommé, Metal Up Your Ass ! Euh pardon, Kill ‘Em All !
Les premières notes de Hit the Lights donnent le ton, progressivement, Metallica invite à un son rapide, puissant et nerveux, guitares saturées, batterie déchaînée, cri de Hetfield le picoleur, WOAH ! L’album gravit un échelon sur l’échelle de l’agressivité du metal, le heavy anglais et virtuose enfante dans la douleur le petit frère rageur et brutal du frêle glam qui ne peut pas le sentir, le thrash metal.


Déclaration de haine envers les poseurs aux cheveux peroxydés et au maquillage de gonzesses qui dominent les charts à coups de power-ballads, Kill ‘Em All est un pur concentré de rage et de pugnacité qui pose les jalons d’un genre qui prospérera pendant 10 ans dans le monde de l’underground et servira d’exutoire, tant aux musiciens cherchant toujours à être plus rapides et plus efficaces qu’au public cherchant des choses plus extrêmes. Le thrash et ses rejetons monstrueux, antithèse du glam de Poison ou Warrant, permettra aussi aux sous-genres plus barrés et extrémistes que sont le death ou le black de voir le jour.


Mais revenons à Kill ‘Em All, si la première piste pose ses couilles sur la table avec son rythme de guitare effréné et son jeu de batterie qui te rentre dans la tronche, l’auditeur n’est pas épargné par la suite au contraire.
The Four Horsemen, culte à en crever et foutrement épique, est le parfait cliché de ce que le public recherche dans le thrash, un morceau taillé pour la scène, parfait pour headbanger, et un classique incontournable du groupe et de la scène thrash en général. Oui dès un premier album.
Motorbreath, écrite par Hetfield le picoleur seul, est un hommage à Lemmy Kilmister (une autre influence majeure de Metalloche) et est efficace, tranche dans le vif avec ses 3 petites minutes intensives au compteur.
Jump in the Fire, entraînant, limite dansant, est le genre de titre qui est une invitation à se défoncer dans la fosse, gentiment sataniste et diablement bon.
(Anesthesia) Pulling Teeth, est un instrumental écrit par Cliff Burton le hippie, qui montre un avant-goût fort de son talent pour la basse, la faisant chialer comme pas possible. Accompagné par Lars le grimaçant à la batterie, il joue de son instrument comme s’il avait une 6 cordes dans les mains, avec utilisation de pédale wah-wah et tapping, envoyant royalement les guitar-hero snobant la basse se faire foutre.
Et là on en est déjà à 5 morceaux et un constat s’impose : même les titres qui ne sont pas étiquetés «classiques» sont des tueries ou bénéficient d’un petit statut culte.
Non sans déconner, la suite est du même acabit, que ce soit l’excellent Whiplash étant carrément un tube intemporel, Phantom Lord et son passage de guitare surprenant en son clair et le final bercé par les cris possédés d’Hetfield le picoleur, l’excellente ode anti-guerre qu’est No Remorse (très Motörhead dans l’âme), sans oublier le démentiel Seek and Destroy, au riff mythique qui te la coupe, la chanson phare de l’album, même si j’ai ma préférence pour The Four Horsemen. Au final le seul point faible de l’album résidera dans Metal Militia, pas mauvais, mais qui n’a pas la force des autres titres de l’album.


10 titres (la réédition de 1988 en comportera 2 de plus, deux reprises, plutôt bonnes d’ailleurs), 9 baffes, un album efficace, viscéral et déjà culte. S’ils sont encore jeunes, le manque d’expérience des membres est compensé par un désir quasi religieux d’aller plus loin, plus vite que leurs idoles. Lars le grimaçant n’est peut-être pas le John Bonham du thrash, mais se défoule sur son instrument comme si sa vie en dépendait, le jeu un peu trop «fouillis» de Kirk le silencieux est pourtant cohérent avec le côté rentre-dedans de leur musique, et le chant du trop jeune encore James le picoleur n’a rien de virtuose, mais est vite accrocheur, et ne cessera de se perfectionner d’album en album. Cliff Burton le hippie se contente d’accompagner le picoleur sur ce premier disque, et à part sur un titre, ne fait pas de fantaisies, dommage, mais le gus va se rattraper sur l’album suivant, et mettra la basse sur le devant de la scène, devenant par son talent et son jeu unique l’une des attractions de Metallica en concert.
Un premier disque brouillon, parfois crétin, mais fait avec les tripes et les moyens du bord avec une sorte d’authenticité juvénile, qui reste aujourd’hui, quelques décennies plus tard, un incontournable du genre. Kill ‘Em All, non content d’être très bon, signe aussi le début d’une épopée musicale longue de 40 ans, avec ses hauts et ses bas, aussi détestée qu'adulée, mais qui ne laisse personne indifférent, celle d’un groupe qui va changer la face du monde, mais ceci est une autre histoire...

Tom Bombadil

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