La pochette annonce directement la couleur. On croyait Soundgarden définitivement enterré mais la sépulture ornant le boitier de cette nouvelle offrande semble avoir été érigée à tort. Le roi des animaux du grunge est bel et bien de retour, après une décennie où le post-grunge fut représenté par des groupes aussi insipides que Nickelback et Seether. Un retour qui ne peut susciter qu’un soulagement… Ou des craintes.
L’époque a changé et pas seulement parce que les reformations sont devenue monnaie courante. L’alternatif a perdu de sa superbe il y a plus de 10 ans et tout le monde a été touché. Que ce soit du côté des voisins ou dans le camp du roi du grunge.
Si Soundgarden s’est séparé au bon moment car au firmament de sa gloire artistique et commerciale, la suite de l’aventure pour un de ses anciens membres s’est montrée terriblement décevante et même honteuse. Chris Cornell, une des plus grandes voix du rock n’a pas su se montrer à la hauteur des attentes qu’il nourrissait.
Ses expériences solo catastrophiques (la soupe de Carry On et l’aberration qu’était Scream) et les déceptions provoquées par l’alliance entre sa voix et les musiciens de Rage Against the Machine (Audioslave) ont entamé sévèrement l’admiration qu’on pouvait éprouver pour lui.
Ce King Animal débarque donc en territoire ennemi. Tous les fans de Soundgarden ont sorti leur sulfateuse pour dézinguer un disque porteur d’un sombre message : cette reformation confirme que ce groupe est fini et cet album ne pourra que salir la mémoire de leurs glorieux prédécesseurs.
C’est faux.
King Animal malgré des préjugés tenaces se révèle être un album solide, plaisant et possède même des moments n’ayant pas à rougir d’un passé brillant (« Bones Of Birds »). Cependant, on ne peut parler d’un renouvellement, ni d’une continuité. L’ambiance nostalgique et psychédélique de Down on the Upside a laissé place à un heavy rock plus calibré. On ne retrouvera pas non plus les tubes de Superunknown et encore moins la puissance de Badmotorfinger.
Mais passé cette impression d’une magie définitivement envolée, on se laisse prendre par des titres incisifs comme « Been Away Too Long » ou des mélodies lancinantes qui nous avaient manquées (« Rowing »). Soundgarden se fait vieux mais même en n'étant pas au mieux de sa forme, ils restent des génies et balaient sans difficulté les héritiers indignes qui ont succédé la mort du grunge.
La section rythmique composée de Matt Cameron et Ben Shepherd est toujours inventive. Prêt à insuffler du dynamisme ou à se montrer subtile… Tout comme le groupe dont ils sont la représentation 90s : Led Zeppelin . Quant aux riffs Sabbathien de Kim Thayil, ils sont toujours empreint de psychédélisme et sonne encore de façon unique. Il ne reste plus que la voix de Chris Cornell. Elle a bien entendu vieilli mais garde toujours sa puissance et sa singularité.
L’honneur est donc sauf. King Animal occupe la place du moins bon album de Soundgarden mais se révèle non pas médiocre ou bon, mais honorable. Ce qui après des années de galère artistique pour son chanteur, peut passer pour un miracle.
Mais la suite se doit être meilleure car ces grands messieurs ne peuvent pas se permettre de se reposer sur leurs lauriers, aussi bons soient-ils. Car si le plus grand groupe d’un mouvement emblématique se met à cachetonner, alors que pourra-t-il arriver aux formations seulement excellentes ?
Chronique consultable sur Forces Parallèles.