Petite commune du Massachusetts, Salem Village est tristement connue pour avoir été, à la fin du XVIIème siècle, le théâtre de plusieurs exécutions sommaires. Motif : la pratique d’actes de sorcellerie. Avec King Night, les américains de Salem nous replongent dans l’atmosphère de cet événement trouble en l’inscrivant musicalement dans notre siècle.
Les voix d’outre-tombe, les chœurs fantomatiques, ce sont les instruments d’époque. Pour le reste, rythmiques déstructurées et synthétiseurs massifs sont tiraillés entre les années 2000 et le courant industriel des eighties. L’air de King Night est ostentatoirement vicié mais de ce climat morbide surgissent parfois la puissance et la beauté. A ce titre, la première partie du disque est vraiment convaincante. Pour peu qu’on partage leur fascination pour le glauque on peut dire que Salem développe le concept à son paroxysme, et c’est assez jouissif !
Cependant, si le groupe réussit sans nul doute son pari dans l’élaboration d’une musique dérangeante et hors d’âge, on peut regretter des partis pris de production trop voyants : cette surenchère dans le son cradoque atteint ses limites si l’on écoute l’album d’une traite, et le procédé devient vite fatiguant. Enfin le mimétisme évident entre les chansons n’arrange rien…
En d’autres termes, King Night aurait sans doute fait un excellent EP, mais en l’état, il s’agit « seulement » d’un intéressant coup d’essai. Puisse l’antéchrist nous faire garder la foi : dans un registre à peu près équivalent, en moins médiatisé, Zola Jesus réussissait en 2010 un très beau deuxième album, Stridulum II, qui évitait avec brio des défauts similaires retrouvés dans son premier essai. Croyons donc dans la capacité de ces jeunes gens du Michigan à faire de même. Amen.