Il y a des disques qui peuvent être excellents, mais dont on ne retiendra rien, tant les recettes utilisées peuvent être vues et revues, bien que parfaitement préparées.
Et puis ces disques qui ne payent pas de mine. Et pourtant qui intriguent au plus haut point. D’où une richesse inattendue peut surgir, à l’improviste. Des curiosités, qui concentrent tout un univers en eux, une création artistique totale qui peut rebuter de par son côté nouveau, jamais vu, jamais fait, et surtout inhabituel, surprenant, presque dérangeant même.
J’aime à les appeler des disques monde. Sûrement en référence à Pratchett, inconsciemment. Même si la première fois où j’ai utilisé ce terme tout droit sorti d’une imagination à ras-de-terre, c’était pour "La Fossette".
Une erreur de la nature ?
J’aime à imaginer la genèse de l’album de cette manière. Un Dominique Ané seul, dans une chambre miteuse à Nantes, par un mois de février particulièrement froid. De la neige sur les toits voisins, une Loire à moitié gelée. Il n’a quasi-rien à sa disposition. Il se sert de boîtes à rythmes usées, de synthés lo-fi intrigants, il s’enregistre comme il peut, avec son magnétoscope 4 pistes à cassettes, il murmure doucement. Souffle. Sur un ton désabusé, inquiet et naïf. Il est presque trop timide pour même s’écouter chanter.
Une guitare, rarement, vient se rajouter. Des boucles étranges et cheaps, pour une rythmique hypnotisant. Des crescendos, des harmonies simples et enfantines. Nostalgique, il repense à des Noëls d’un passé révolu. Le soleil se couche d’une tristesse ordinaire, le ciel s’irise de mélancolie. Un oiseau chante encore, malgré le froid. Lui, au moins, est courageux.
Passé l’hiver, qu’allons-nous faire ?
Qu’est-ce qui t’inquiète ?
Lithium hivernal
Un blanc innocent pare la pochette de l’album. Opposé à ce qui sera plus tard le sombre noir de "#3". Car cet album est un complément, le revers de la face de Diabologum, aussi signé chez Lithium.
Opposé à la noirceur et au noise, on découvre ce minimalisme éthéré sur fond de synthés, motifs de guitare simplistes, et une voix distante à la limite d’un shoegaze prudent.
Le disque est définitivement ancré dans l'hiver, la neige est ici dans sa saison. Et s’en rend encore plus omniprésente et piquante.
Le tout se voudrait rassurant, caressant, comme un feu de cheminé, mais reste extrêmement froid tout du long, et au fond ne se veut pas tellement accueillant (Va-t’en, entre autre). Sur la folie des hommes, un sample d’eau ne contribue qu’à glacer encore plus nos oreilles, tandis que les notes cristallines semblent droit sorties de stalactites et flocons.
Ce disque monde est une ballade en traîneau. Une marche à travers sapins et glaciers.
Il y a des disques qui donnent ces expériences uniques, inégales, dépouillées, complètes mais qui possèdent une telle identité qu’on ne peut que les applaudir, à défaut de les adorer. Qui sortent droit du cœur, et n’obéissent qu’à la subjectivité la plus totale. Et on veut à tout prix apprivoiser ces drôles d’oiseaux.
Février va passer
Et je n'aurai rien fait
Jusque-là tout va bien