"Je veux bien écouter les arguments de BBYoda hein, mais bon... Imaginons que, pour des tas de raisons qui sont faciles à dénicher tout de même, ce soit son dernier opus, ce serait bien triste de nous laisser avec un album aussi oubliable non ? C'est pas le tout de vouloir être blues/roots, il faut que les mélodies sortent d'un moule. "Où Géronimo rêvait" ou "A l'amour" sont sympathiques, mais rien de transcendant... Il me manque le Murat lyrique... Qui savait émouvoir seul à la guitare ou avec de grandes cordes..."
J'avais écrit ça le 29 Janvier, lorsque j'ai fixé mon opinion sur ce disque. C'est bel et bien arrivé : ce sera l'ultime album de Jean-Louis Murat, son au-revoir artistique inconscient. Son "Morituri", en testament conscient, aurait été parfait, même s'il a produit d'autres albums très cools ensuite, comme "Travaux sur la N89" et "Il Francese" (assez spéciaux les deux quand même). Je suis toujours sous le choc de sa mort.
Pour moi, Murat, c'est se barrer, là où la verdure caresse.
C'est la voix de l'Auvergne, grattant les cordes de la solitude, contant les grands espaces où l'on comprend ce qui compte et ce qui ne compte pas, et ce pays au-milieu de la France, regardé de haut, mais toujours debout, majestueux, fidèle à lui-même.
C'est l'exigence des influences, des décors musicaux : passer aussi bien de la poésie lyrique/jazzy de "Babel" au brut de coffre "Lilith", du sophistiqué "Dolores" à l'intime "Toboggan", de l'expérimental à la pop... Il n'avait peur de rien.
C'est l'animal errant, à la productivité hallucinante, et qui inspire tout autant au chant introspectif qu'à l'écoute solenelle.
C'est la mélodie précise, le texte régulièrement adéquat.
Et l'intime, putain, le lien intime qui finit par se nouer avec ses albums (davantage qu'avec l'homme certes, en tout cas de ce que l'on connait à travers les médias). "Grand Lièvre" que j'ai chanté en me perdant dans la campagne du pays de Dinan. "Le cours ordinaire des choses", mon album préféré de lui, en quittant le Puy de Dôme pour rejoindre Clermont-Ferrand à pied. Il n'est d'ailleurs pas totalement étranger à mon amour profond pour l'Auvergne. "Le Manteau de pluie" dans les trains mélancoliques. "Babel" en redescendant pour Puycelsi, au fin fond du Tarn, sous les ombres de la nuit. Il a toujours été là. Il sera toujours là. Et je suis persuadé que son oeuvre sera inlassablement redécouverte, que sa trace ne fera que s'agrandir, et même tracer un cratère aussi profond et présent que celui du Puy du Pariou.
Qu'importe alors qu'il nous ait quitté avec un album anecdotique : il a laissé un continent juste derrière. Un continent vert, énergique, parfois acide, parfois tendre, toujours au contact de la terre.
Merci pour tout, Jean-Louis Murat. A bientôt sur les chemins des Monts du Cantal...
On se croit d'amour
Oh, on se sent épris d'éternité
Mais revient toujours
Le temps du lien défait
PS :
"Morituri" (ma préférée de lui), "Le cours ordinaire des choses", "Long John", "Fort Alamo", "Alexandrie", "Je me souviens", "Le lien défait", "L'au-delà", "Se mettre aux anges", "Ce que tu désires", "Bang Bang", "Extraordinaire Vodoo", "Tout est dit" : je vous recommande ces morceaux pour découvrir les différentes facettes, et des meilleures, de son travail extrêmement riche.