J'ai pas mal hésité avant d'appuyer sur play...
Alors oui, j'ai hésité avant d'écouter le dernier album de Tryo.
Leur "grain de sable", grain de folie n'est plus vraiment là. Tryo est devenu un groupe plus calme, plus posé, peut-être plus serein et moins en colère qu'il y a quinze ans. Nostalgie.
Ladilafé est d'abord un album hommage (hommage à leur première productrice décédée cette année, hommage à leurs engueulades, à leurs anciens coups de gueule, à leur famille...), assez touchant par bien des aspects... Assez énervant le reste du temps!
J'ai mis 5. 5 parce que c'est super inégal mais qu'il me reste une pointe de tendresse pour ce groupe. Chaque chanson sympa semble entourée de deux chansons ratées. Exceptées les trois dernières, intro pourrie, conclusion réussie. Et entre-temps ?
Toute la première partie de l'album me semble ratée : une redite de leurs délires écolo-politico qui, avant, me faisaient rire ("L'air du plastique", "Travailler plus") ou répéter leurs paroles avec colère ("G8", "Pompafric").
-"Greenwashing" et "Nous Génération" sont presque ridicules, on y croit plus vraiment, et eux non plus, ça se sent, ça s'entend, les paroles galèrent et les rifs s'essouflent.
-"Brian Williamson" rappelle de loin la chanson Abdallah (Ce que l'on sème) mais en beaucoup moins touchante, on dirait qu'ils se sont dit "il faut qu'on fasse une chanson sur les homos, c'est dans l'air du temps... et tiens, sur la mort du reggae en même temps, cool çaaa"
-"Pas banal" interpelle par ses rythmes et ses assemblages assez drôles : manque de bol, les chanteurs ne font qu'une liste, mélangent "un black à la maison blanche" et "Al Qaida à Bercy". Pas de critique, rien d'acerbe : est-ce de l'ironie ou une simple de liste de faits ? Je suis encore plus confuse quand ils terminent leur chanson par "Total fait des éoliennes, ça tourne et ça nous va"...
-Le grand merci de "Printemps Arabe" semble une assez jolie réponse à "La misère d'en face" (Mamagubida).
-Si leur "Jugement sans appel" est carrément inintéressante, la chanson suivante,
-"Marine est là" est pleine de joie, d'ironie. Rien que pour le banjo qui accompagne et la clarinette qui répond aux chanteurs (comme dans "Le Petit Chose", Faut qu'ils s'activent!!), cette chanson est un coup de coeur. Heureusement, les paroles sont aussi jouissives que l'air est léger.
Premier coup de coeur... piste 8, à la moitié de l'album quand même!
-"Boulawa" reprend les habitudes d'allitération (en F cette fois) tellement caractéristiques des chansons dont Guizmo est leader. Mais bon, lapacompri perso...
-"C'est un vent" est mignonne sans plus. Rien d'original, une ballade romantique, des airs orientaux, un refrain oubliable. On est loin de "Serre-moi".
-On retrouve les guitares et les sons de Tryo dans le morceau de cow-boy "Quand la nuit devient blanche", sans humour pourtant, sauf à la toute fin : on retrouve les éclats de rire de Mali qui accompagnaient souvent les fins d'enregistrement des deux premiers albums.
-Une petite valse pour "Mourir la mort" m'a plutôt étonnée. C'est joli, inattendu, touchant. C'est à ce moment de l'album que j'ai commencé à comprendre ce qui me dérangeait : Tryo n'est plus drôle, leurs tentatives d'humour, même noir, sont des bides, des bides énormes et ridicules.
Ce qui est réussi dans cet opus, c'est l'émotion. Tout le monde change et grandit, Tryo aussi. Même si ça déçoit les fans de la première heure.
-"Joe le trader" reprend les accents tropicaux de "Pompafric" sans être drôle, ni agressive. Pas mal. Mais l'impression de déjà-entendu est bien présente.
En revanche, il me semble qu'il faut absolument en passer par ces irrégularités pour arriver aux trois derniers morceaux de Ladilafé : ce sont elles qui donnent un intérêt particulier à l'album. C'est pour ces chansons que j'ai mis un 5...
-"J'ai décidé d'écrire des D" est presque hypnotisante, il lui manque juste quelques solos de guitares délirants.
-"Les Anciens" est de loin ma préférée
-tandis que la liste d'actrices qui conclut Ladilafé ("Du cinéma") donne le ton de ce qu'est cet album = un hommage. Plein de nostalgie et d'une musique beaucoup plus fouillée, châtiée, recherchée que dans les précédents opus de Tryo.
"Greenwashing" serait alors un hommage à leur passé, à ce qui animait les artistes de Tryo avant. Plus maintenant.