Lazarus (OST)
6.9
Lazarus (OST)

Bande-originale de David Bowie et Enda Walsh (2016)

Dernier projet de David Bowie, la comédie musicale Lazarus revient sur le personnage de Thomas Jerome Newton, qu’il incarnait dans L’Homme qui venait d’ailleurs de Nicolas Roeg. Difficile de commenter l’histoire à l’écoute de l’album, puisque celui-ci se compose essentiellement de chansons du répertoire de l’artiste, créées à l’origine sans but narratif.


L’enregistrement de Lazarus eut lieu au lendemain de la mort de Bowie ; cela aurait pu se sentir dans l’émotion transmise par l’équipe, mais ce n’est finalement pas le cas. Les versions ici présentes sont un peu sages, mais toutes réussies, avec notamment un Michael C. Hall effectuant un travail parfaitement honorable. On peut néanmoins déplorer que lui et Michael Esper, les deux interprètes masculins principaux, soient souvent tentés de singer Bowie, résultant en un relatif manque d’originalité. Côté arrangements, ils se partagent entre des reprises très fidèles (notamment celles des chansons extraites de The Next Day) et d’autres un peu plus fantasques, qui sont les plus intéressantes. Malgré tout, s’il est amusant de redécouvrir « Changes » dans un format music-hall ou « The Man Who Sold The World » et « Heroes » de façon dépouillée, l’effet qui prédomine est le désir de réécouter les originales. Quelques titres sont néanmoins très intéressants : « This Is Not America », chanté par Sophia Anne Caruso, dont la voix est moins belle que celle de Bowie, mais dénudé et débarrassé du mauvais goût de la version de 1985, « Absolute Beginners », dont le traitement est similaire, avec un dépouillement soulignant la beauté de la mélodie, et « Always Crashing In The Same Car », où Cristin Milioti s’abandonne langoureusement dans une belle évocation de cette magnifique chanson.


L’intérêt majeur de Lazarus reste néanmoins les nouvelles compositions de Davis Bowie, extraites des sessions de ★. On pouvait craindre que, de la même manière que les outtakes de The Next Day, parues quelques mois après ce dernier, le fait qu’elles aient été abandonnées à la sortie de l’album original signifie qu’elles soient dispensables, mais les interprétations des trois morceaux inédits par l’équipe de la comédie musicale rassurent déjà, et notamment l’enragée « Killing A Little Time » et la sautillante « When I Met You ». À l’écoute du deuxième disque, qui contient les versions originales de ces morceaux, force est de constater que Bowie avait encore de belles choses sous le coude. « No Plan », ballade douce et mélancolique, rappelle ainsi à quel point sa voix est capable de merveilles sur des ambiances jazzy (à rapprocher de « Bring Me The Disco King » sur Reality). « When I Met You », quant à elle, est introduite par des percussions qui annoncent quelque chose de très prometteur, mais la chanson se révèle finalement un peu décevante : elle est réussie mais évoque plus la veine pop-rock de The Next Day que les ambiances sinistres de ★, tandis que le duo de voix masculine et féminine sur la version de Michael C. Hall et Krystina Alabado semblait plus percutant que l’affrontement entre Bowie et lui-même. Mais le vrai chef-d’œuvre de Lazarus, comme le premier disque le suggérait, est le dantesque « Killing A Little Time », fascinant et mystérieux, semblant combiner les meilleurs aspects des versions single et album de « Sue (Or In A Season Of Crime) », c’est-à-dire le classicisme jazz de la première et la fureur extrémiste de la seconde. Si ce morceau avait été publié sur ★, il en aurait été un sommet.

Skipper-Mike
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le 10 oct. 2017

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