Si vous suivez un tant soit peu la presse musicale ou d'autres sites spécialisés, alors vous n'avez pas pu passer à côté du phénomène PNL composé des deux frères Ademo et N.O.S et originaire des Tarterêts à Corbeil-Essonnes.
Il se peut même que vous ayez eu connaissance du groupe même sans le vouloir au détour d'une conversation, tellement PNL – pour Peace and Lovés – sont sur toutes les lèvres en ce moment. Des Inrocks à l'Abcdrduson, les dithyrambes fusent et leur musique semble faire l'unanimité. C'est que presque personne ne les a vu arriver tellement leur succès fut soudain et efficace immédiatement.
Le disque Que La Famille sorti en mars de cette année a servi de rampe de lancement avant qu'Internet et le bouche à oreille ne fasse le reste. Car s'il y a bien une chose que les deux gaillards semblent maîtriser, c'est bien la gestion de leur image.
Il suffit de voir le nombre de clips déjà tournés pour se rendre compte que PNL sait très bien attiser la curiosité du public. Et avec des millions de vues atteintes en peu temps pour chacun d'entre eux, la foule semble en effet avoir été piquée au vif.
Ajoutez à cela le fait que le groupe n'accepte aucune interview et reste discret sur son travail, et vous obtenez un groupe qui déclenche tous les fantasmes possibles et imaginables.
Sorti fin octobre Le Monde Chico était alors la grosse attente rap et se payait même le luxe de faire de l'ombre à d'autres grands noms du circuit.
Amour incroyable de la presse spécialisée mis à part, PNL se départage du reste de la scène française aussi par une approche et une couleur musicales empruntées comme toujours, au grand frère américain ; à savoir un courant que l'on pourrait qualifier de « cloud rap », initiée par exemple par un artiste comme Lil B.
La musique de PNL serait alors une sorte de contre-pied aux sonorités « trap » que l'on peut retrouver notamment chez Kaaris ou encore Gradur. Même si ces noms ne sont au final que des étiquettes, PNL peut se targuer de suivre une nouvelle tendance et d'attirer par le même moyen de nouveaux publics curieux.
Comme QLF, Le Monde Chico est alors parcouru de productions planantes faites de grosses basses et de synthés sur orbite aux rythmes lents, parfaits pour permettre aux deux rappeurs de nous conter leur mélancolie et leurs états d'âmes. Sans être non plus des clowns tristes, les deux frères dépeignent leur quotidien dans la banlieue parisienne en allant droit au but d'une manière limite blasée.
Et on arrive sur un des points les plus épineux lorsque l'on parle de PNL ; les textes. L'écriture des deux rappeurs ne s'est pas vraiment améliorée depuis QLF et si certains clament que les paroles ne sont pas au centre du mouvement « cloud rap », cela n'excuse pas tout pour autant.
Certaines rimes ne sont pas si mal, et montrent une intention de décrire une réalité, mais se perdent trop souvent dans des paroles sans queue ni tête ou des insultes gratuites qui servent plus à combler les blancs qu'autre chose. Des paroles qui ne sont pas non plus servies par le flow très lent des deux rappeurs.
Dire que les textes ne sont pas géniaux est vrai, mais c'est aussi hypocrite de critiquer ce point pour eux alors que les américains ne font pas forcément mieux. Il y a tout de même un juste milieu à trouver.
Peu importe, je préférerai toujours des textes pas forcément très bien écrits mais avec une très bonne prod plutôt qu'un album avec des instrus pas top et des bonnes paroles.
Par exemple Lino a sorti un album cette année qui était très attendu car l'ex rappeur d'Arsenik est considéré comme un très grand parolier. Mais en écoutant Requiem, difficile de s'empêcher de se dire que Lino avait du retard dans le monde du rap au niveau des prods et qu'au final il passait pour un vieux con avec ses critiques contre le système et les artistes récents.
Ou encore l'exemple de TSR Crew avec leur dernier album Passage Flouté qui ne font que rester dans leur zone de sûreté très marquée années 90 sans vouloir évoluer d'un iota.
PNL ne révolutionne pas l'écriture rap. Ils ressassent des thèmes maintes fois entendus dans le milieu à savoir : l'argent, la drogue et la vie en banlieue. Alors que beaucoup considèrent cela comme leur point fort, cela ne peut empêcher certains auditeurs de se sentir comme « exclus » de leur musique et de leur message. Sans être non plus une « musique de niche », il peut être difficile de ressentir une quelconque sympathie pour les deux frères.
Tandis que leur succès est du surtout aux gens qui se reconnaissent, eux, dans leur vécu. Preuve que tout cela reste une question de point de vue. PNL parvient tout de même à se créer un monde particulier grâce à leur manière brute de rapper et de s'exprimer mais encore une fois cela peut aussi rebuter certaines personnes qui se verront confronter à des codes et des mimiques bien particuliers.
Là où la musique d'artistes comme Kaaris ou Seth Gueko peuvent amener à sourire de part leur coté « too much », PNL se prend très au sérieux, d'où ce côté glaçant et distant que l'on peut ressentir pour ce groupe.
Même Lunatic période Mauvais Oeil arrivait à dépeindre une réalité très noire avec des textes crus tout en restant intéressants pour des oreilles extérieures à leur mode de vie, et ce malgré la noirceur de leur musique.
Et c'est vraiment dommage car du côté des productions car il y a du très bon et elles font toutes leur effet. Comme avec « Porte de Mesrines » et ses cuivres mélancoliques, « Dans ta rue » qui lorgne vers la house ou encore « Sur Paname » et son refrain presque touchant. Sans oublier les autres singles « Le monde ou rien » ou « Plus Tony que Sosa » qui fonctionnent elles aussi comme il faut.
Surtout que contrairement à la quasi-totalité de la scène française, les deux frères utilisent très bien – et je ne pensais pas dire ça un jour – le vocoder. Qu'ils l'utilisent par petite touche dans un refrain ou alors mélangé avec des productions aériennes, cela rend leur voix et leurs morceaux encore plus spéciaux. Le travail sur les productions est très bien mené et reste très homogène tout en étant reconnaissable facilement de la concurrence.
Mais il n'empêche que c'est bien la frustration qui peut régir notre avis sur cet album. Sans réelle construction, Le Monde Chico est fait pour s'enchaîner d'une traite et d'une manière à rester en suspend et à planer pendant toute la durée de l'écoute, les productions permettant de ne pas toujours prêter attention aux paroles. Même si cela peut être vu comme un revers de la médaille. Comme d'abord avec sa longueur d'1h10 ce qui est énorme et ce qui fait voir une certaine lassitude vers la deuxième moitié du disque, notamment avec le titre « Que la Mif » avec des rappeurs amis du groupe, qui est l'un des morceaux dispensables de l'album.
Surtout que sorti quelques mois seulement après QLF, Le Monde Chico permet certes à PNL de surfer sur leur succès, mais ne se révèle pas vraiment différent de son prédécesseur. Ce qui peut poser la question de la durabilité du groupe dans le temps surtout s'ils continuent d'appliquer cette même recette sur le long terme.
Cet album est alors difficile à critiquer comme une œuvre à part entière dans l'immédiat, car trop proche de leur précédente production. Les deux frères n'en sont qu'aux débuts de leur carrière qui se révèle déjà pleine de succès. Mais pas exempte de défauts. Ils auront au moins su insuffler quelque chose de nouveau dans un rap français qui a parfois trop tendance à se reposer sur ses lauriers.
Hey merci d'avoir lu cette critique ! Je suis sur Youtube depuis peu pour faire des critiques d'albums. Si ça te dit, voilà le lien vers la vidéo où je parle de cet album.
A la prochaine !