Une beauté
Cela fait des années que Mylène Farmer, ne s'était pas renouvelé correctement. Un électro symphonique, une voix douces et puissantes, des textes autant mélancolique que magnifique, une rare beauté...
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le 1 déc. 2022
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Mon cœur balance généralement entre deux albums vis à vis de Mylène Farmer : Anamorphosée et Avant que l'Ombre... sauf que l'Emprise a aussi un mot à dire.
L'Emprise est le douzième opus ( !!! ) de l'artiste et s'avère être un très grand cru, surtout après une période de 2010 à 2018 qui chauffait le tiède et le tiédasse, avec une sortie remarquable de piste (L'infâme Bleu Noir et sa capacité à être aussi bien très intéressant que catastrophique !) je ne sais pas ce que l'on trouve à l'assommant Insterstellaire, je peux comprendre l'affection pour un Monkey Me, et je trouve Désobéissance bien trop homogène et sans génie pour clairement sortir du lot.
Par contre l'Emprise, lui, a une direction artistique assez claire, des compositions soignées (bon, à l'exception de l'hilarant Bouteille à la mer !) et une écriture cryptique qui offre de belles images. C'est aussi l'album qui a l'enchaînement de morceaux les plus exceptionnels de la carrière de Mylène à mes yeux (Rayon Vert - Ôde à l'apesanteur - Que je Devienne - Ne Plus Renaître, quelle claque !) et notamment les deux derniers cités qui sont dans mon top 10 de la carrière de la dame rouge (oui, top 10).
Que je Devienne est absolument somptueux, c'est simple, épique, apocalyptique, émouvant, c'est un morceau d'une puissance très, très rare, sur lequel Mylène a réussi à sublimer son timbre de voix qui a gagné en tessiture en vieillissant. Ceux qui n'apprécient pas les aigus se boucheront peut-être les tympans, mais la performance vocale est à la hauteur de l'événement qu'est ce morceau.
Mais le meilleur est à venir. Sur une production d'Archive, Mylène prend sa voix grave et posée pour déclamer un poème chanté au long d'une piste de six minutes sur "Ne plus Renaître" avec un saisissant passage planant et limite expérimental en milieu de morceau, où elle lâche un superbe et sobre "Ave Maria" qui rappellera au plus érudits de la carrière de la dame le morceau bonus de "Point de Suture". Je trouve ce morceau d'une grâce et d'une élégance folle, avec un climax là aussi dantesque, dans la lignée de l'envolée apocalyptique et la puissance du titre qui le précède, ces deux seuls morceaux justifient l'existence du projet tout entier.
Et le souci quand il y a de si grandes réussites, c'est que le reste peut donner l'impression de peiner à atteindre le niveau. Mais globalement, les singles (L'Emprise, à Tout Jamais et Rallumer les étoiles) se défendent avec pour les deux premiers, une énergie pop qui ne trahit pas les thèmes assez sombres du projet, et "Rallumer les étoiles" est un beau tube sur la volonté de Mylène de laisser petit à petit ses démons derrière elle, même si l'on peut douter de sa capacité à le faire, tant plane sur l'Emprise une atmosphère mélancolique.
Et c'est bien sûr le gros du projet : "Invisibles", "Ôde à l'Apesanteur", "Rayon Vert", "Do You know who I am", sont autant de pistes où balades dans lesquelles Mylène se livrent à une écriture très émouvantes, où l'on sent le poids des ans sur elle, mais aussi une forme d'acceptation, bien aidée par son formidable duo avec Aaron, qui brille bien plus sur la sublime version "piano voix".
Bref, j'ai peu de reproches à faire au projet, sauf à "d'un autre part", un peu oubliable, un "Bouteille à la mer" et sa musique qui semble sortie d'une boîte de nuit, et le "Do you know who i am" qui est peut-être un peu trop expérimental pour le projet, mais après tout, Anamorphosée a bien eu son "Alice".
Alors pour conclure, que dire ? Sinon que c'est probablement l'un des meilleurs albums de l'artiste, d'une qualité remarquable et effaçant d'un revers tous les projets qui l'ont précédé depuis au moins Point de Suture. C'est aussi l'un des rares albums qui peut s'asseoir à la table des Anamorphosée, Innamoramento, Ainsi Soit-je et Avant que l'Ombre (je n'ai pas cité l'Autre et cendres de Lune, tout simplement parce que je les trouve bien moins bons que le reste des cités, mais toujours au-dessus de tout ce qui vient post Point de Suture à l'exception de l'Emprise).
J'oserai même dire que si c'est son dernier album, alors elle sera partie la tête très haute. Mais si elle peut réitérer l'exploit et sortir un autre long format aussi ambitieux et réussi, et bien c'est avec impatience que je l'attends.
Superbe album. Recommandation ardente.
"Tu dis que t'as peur du vide, seul, sur l'astéroïde
Rien, rien, rien, ne nous retient
Tu sais les lois, les croix, le poids du ciel
Un infini de fourmis, rien d'immortel
Tu sais les lois, les croix, le poids du ciel
Rien, rien, rien, ne nous retient"
Créée
le 17 mai 2024
Critique lue 19 fois
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