Cagoulé Barbu

Après 3 featurings sur les années 2016 / 2017 et une systématique bonne alchimie entre les deux artistes, l'annonce d'SVR n'a pas surpris grand monde. Un projet commun était d'ailleurs, de l'aveu des deux têtes d'affiche envisagé depuis Arrêt du Cœur en 2016, leur première collaboration.

Personnellement, je n'étais pas autant que ça dans l'attente du projet, préférant largement les initiatives solo plutôt que les featurings à tout va devenu la norme sur tous les albums. Cela étant dit, les deux artistes se ressemblent énormément, Kalash influencé par Kaaris et s'identifiant même sur certain aspect comme un successeur légitime, il était clair que l'album fonctionnerait.

Pourtant, dans la structure, la réussite ne semblait pas aussi garantie. Avec 9 sons de rap / trap / drill hardcore et 6 plus "ouverts" avec chants autotunnés et instrumentales un peu plus claires, on pouvait craindre un projet à double face. C'est partiellement le cas d'ailleurs, si les 4 premières tracks sont à peu près du même registre hardcore traditionnel des deux artistes, les deux suivantes changent largement dans leurs intentions, avant d'à nouveau partir sur une ambiance très noire le temps de deux sons (l'excellent Angle Mort et le frénétique Feat avec Freeze Corleone : Apocalypse) avant que le projet n'alterne sons plus ouverts et hardcore de manière presque chaotique.

Pourtant, le tout se conclue par un morceau particulièrement nerveux et puissant (Fiché S, mon morceau préféré du projet), permettant de terminer l'album sur une note particulièrement brutale qui fait assez bien se tenir l'ensemble.

Dans le détail, je considère que : Tchalla, Tu Dois des Sous, Angle Mort, Apocalypse, Goudronné (à ma grande surprise), BBL, King Von et surtout Fiché S composent ce que j'ai préféré du projet. Kaaris apporte du chant, de la mélodie (plus ou moins heureuse parfois), sait bien déglinguer des instrumentales quand il est question de rapper, là où Kalash Criminel est surtout là pour détruire tout sur son passage avec quelques lignes qui marqueront par leur aspect cru et brutal (une certaine référence à Undertaker vous arrachera probablement au moins un sourire).

D'ailleurs, niveau écriture, je note la réduction de la quantité de lignes dans les couplets (on passe de 16 à 12 mesures...) mais un léger mieux en qualité globale, surtout pour Kaaris (très décevant sur 270, bien plus convainquant sur Château Noir). Les plus nostalgiques ne retrouveront bien sûr pas le niveau d'Or Noir et LBDMA ou encore ZERO, c'est certain, mais Kaaris claque tout de même son lot de punch bien tranchantes et affûtées, même si je trouve que Kalash Criminel remporte la palme.
Généralement, l'écriture est plus fonctionnelle que remarquable et intéressante, mais j'ai accepté que ce qui était auparavant la norme pour le Ris-kaa surtout sur l'impressionnante mixtape ZERO devienne des fulgurances au cours des sons. Ici, il y a des pépites, on est heureux de les entendre, mais y a pas foule.

En termes d'influences musicales, on retrouve les deux MC sur des instrumentales à l'ancienne, mais aussi des sonorités trap traditionnelles, quelques morceaux de drill et un curieux "piano-voix" dans lequel Kaaris semble s'amuser à pousser un vocodeur dans les retranchements de l'aigu. On se retrouve donc avec une production de qualité, variée, qui essaiera de satisfaire un peu tout le monde, quitte à trahir ceux qui voulaient uniquement entendre du sale.

Et c'est probablement ce qui divisera le plus : clairement, les meilleurs sons sont essentiellement les plus classiques et prévisibles venant des deux rappeurs. Mais je crois que le projet n'aurait pas été aussi intéressant sans les prises de risques que Kaaris a amené et qui finalement donne au projet une variété que je salue.

Aussi, SVR est le deuxième projet où je retrouve un Kaaris que je juge en forme et combatif, confirmant la pente ascendante qu'il a pris depuis Château Noir. J'attends désormais son prochain projet impatiemment, mais aussi -et c'est une première- celui de Kalash Criminel.