L'oeuvre phare de tout la carrière de Léo Ferré

Oui Monsieur, il n'y a aucun doute qu' "Amour Anarchie" est l'album le plus important de Léo Ferré, le basculement artistique, la consécration populaire, l'image même qu'ont les fans comme les non-fans édités sur disque ! Et un de ses sommets, assurément.
"le Chien"... littéralement une révolution artistique à lui tout seul, ce titre. Une chanson ? Oh non ! UN discours ? Certainement pas ! Un cri ? Précisément. Le cri de la rue, le cri des damnés, le cri de la révolte... Léo sort totalement des normes, explose les barils et dresse le poing comme jamais dans un morceau musical, grâce à des vers toujours plus magnifiques (" Les armes et les mots, c'est pareil, ça tue pareil ! Il faut tuer l'intelligence des mots anciens", tu vois tout de suite le genre !), même si le poème est assez incompréhensible. En plus, c'est son premier rock, et improvisé (un peu trop d'ailleurs), et il maitrise vraiment bien ! Un vrai tournant. Je conseille pourtant vivement davantage sa version Live de 1984, avec l'utilisation de "O Vos Omnes" de Da Victoria: sublime. "Petite" est clairement une chanson qui ne passerait pas du tout aujourd'hui ! Léo fait ici une apologie ultra-romantique des amours interdits entre mineur et majeur (l' interdiction semble l'exciter plus que la personne elle-même- "le jour où ça n'ira plus, le jour où il n'y aura plus... le Code Pénal !"), avec un poème de velours et une flute particulièrement rêveuse. "Poètes, vos papiers !" , très compliqué (notamment la référence à Jean Genet: en fait, c'est parce que c'était un philosophe particulièrement porté sur le sexe... ça éclaire d'un coup le vers qui lui est dédié, et également le principe du texte). Plus que la musique, plus que le poème, ici c'est l'interprétation du vieux Lion qui emporte tout ! "la Lettre" a un texte très beau, pour la deuxième fois il sort une non-chanson. Seulement, là le gros problème, c'est la Musique. Ultra-sirupeux, guimauve, bref une version orchestrale serait inécoutable. "La The Nana", deuxième chanson rock (les Pop, même si j'aime pas trop leur style, assurent vraiment sur ce titre), est un slow érotique et poétique, unique dans la musique (ouais, je sais, ça rime !). Magnifique. Et puis vient "la Mémoire et la Mer"... Wouah, quoi. Issu des "Chants de la Fureur", un très long poème de Léo et certainement le plus beau que j'ai jamais lu, cette chanson défonce tout. Comment ne pas être émeu ? Les paroles son inhumains pour moi, je ne sais pas comment il a fait... Les trois derniers vers qui closent, en particuliers: Sur la plage, le sable bêle/ comme des moutons d'infini/ quand la Mer Bergère m’appelle... c'est sans conteste les trois plus beaux vers que j'ai entendu de ma vie. Et la musique souligne le tout, avec un romantisme exemplaire. Incontournable, à écouter absolument avant de mourir. On redescend sérieusement d'un cran avec "Rotterdam", qui est pas terrible. Texte débile, musique bidon, même lui ça a l'air de le gaver de la chanter. "Paris, je ne t'aime plus", première chanson de désillusion post-68 et pourtant encore enclin à avoir de l'espoir (ça va vite changer...), est très profonde. Une réflexion intelligente et intéressante. "le Crachat" clôt le premier disque. Et c'est le même coup que "la lettre", le poème est absolument génial mais la musique est bof, sans être insupportable non plus comme pour la chanson susnommée. C'est mon préféré des deux produits.
Le disque 2 s'ouvre avec "Psaume 151", et c'est un chef d’œuvre total. Applaudissons aussi le fait que ce soit sa première chanson à dépasser les 10 minutes, après 20 ans de carrière ! On ne les voit pas du tout passer. Les oreilles jouissent, emportées par ces variations macabres et toujours renouvelés musicalement. Et inutile de dire que tout le monde en prend pour son grade, en première place les chrétiens sur leur propre terrain ! Un Psaume moderne jouissif. "l' Amour fou" est très beau, tout mimi même, un peu comme un enfant qui rêve d'une petite fille, c'est ça qui le rend si touchant. "La Folie " est bouleversante, l'implication la rend d'autant plus immersive (" Je ne m'arrête plus quand je vois la Folie... je fais ses comissions et couche dans son lit... et que je reste seul, avec mes yeux de fou..."). "Ecoute-moi", par contre, a une musique superbe (il reprend là une mélodie qu'il va reprendre infiniment tout le long de sa carrière- vraiment !) et un texte absolument bordélique et indéchiffrable. Tout ce que j'ai réussi à comprendre, c'est que ça parle de sa voix... "Cette Blessure" quant à elle est chiante, autant au niveau des paroles qu'au niveau de la musique. Mais ce coup de mou est tout de suite remplacée par le gigantesque "Mal". Très court (trop), les paroles sont d'une efficacité absolue ("Lorsque dans l'ombre, le Bien se lève, comme le Jour après la Nuit !"), le son rock allié au son classique fait un rendu magnifique, l'interprétation est hyper puissante. Bref, incroyable. "Paris c'est une idée" est sympa, tandis que "les Passantes", sans apporter quelque chose à ce sujet, est tout aussi agréable. "Sur la scène" termine le tout à la manière d'un grand théâtre s'achevant à grand coup de fanfare. Je trouve que c'est un "au revoir" très réussi !

Pour celui qui découvre Léo: dans l'idéal, il faut commencer par lui, avec "la Solitude". Pour les fans: je pense qu'on est tous d'accord pour dire que c'est un incontournable. Chapeau bas, l' Artiste.