Cela m'ennuie que cet album ait été incompris par les fans de la première heure. Cela m'agace presque, c'est à ce point que j'estime cette oeuvre.
Mais je ne suis pas fan de la première heure.
D'ailleurs, quand je suis sous l'emprise totale d'un album d'un artiste que je viens de découvrir, j'ai appris à comprendre que je ne peux pas écouter autre chose de cet artiste que l'album en question, parce que tout le reste me paraît fade, ou trop différent, et je deviens déçue, bêtement, là où l'album en face peut être un gros "Rid of me".
PJ me pose un problème. Je suis sous l'emprise tenace de Let England Shake depuis un an. Pas plus tard qu'il y a quelques heures, j'ai écouté "England" et me suis retrouvée piégée, comme la première fois, par ce crescendo finissant sur cette phrase désarmante, "never failing love for you England".
C'est le point culminant de l'album. Sa médiane, exactement. Pendant six chansons, PJ s'évertue à dénoncer la connerie qu'est la guerre, et les torts de l'Angleterre, à Gallipoli ou ailleurs. Mais ce n'est jamais elle qui parle, elle prend les points de vue de soldats, victimes, parfois les deux en même temps, mais jamais elle ne prend la place de celle qui aurait le droit de juger. Subtilement, par touches de témoignages (mis en scène au début de chacun des clips de l'album), sans jamais tomber dans la simplification patriotique ou contestatrice, elle réussit à prouver toute l'absurdité de la guerre, comme naturellement.
Naturellement, et pourtant l'on est loin de la brutalité instinctive de ses premiers essais. Sa poésie est plus fine et complexe qu'elle ne l'a jamais été. Sa musique, mêlée de nombreux samples, a visiblement fait l'objet d'une recherche approfondie. Et c'est avec une grande intelligence qu'elle associe ces paroles difficiles, insoutenables parfois ("arms and legs were in the trees"), avec cette instrumentation souvent très aérienne, et disons le joyeuse (c'était même un de mes albums de l'été), pour un rendu quasi-mystique, qui résonne en nous comme des choeurs d'Eglise (marrant, certaines chansons ont justement été enregistrées dans une église de son Dorset natal).
La complexité de la confection de l'album, de sa composition, dont l'on se contrefout, provoque une émotion vive et au final très primitive, qui elle reste, même un an plus tard.
Mais pour en revenir au début, Dieu merci les critiques ont su déceler le génie de Let england shake là où mes éclaireurs lui donnent une misérable moyenne de 6,2/10. Je pardonne.
Mais je dis que cet album devrait faire partie du patrimoine mondial de l'UNESCO.