J'avoue que, concernant Bruce, j'ai du mal à être impartial: il m'accompagne presque au quotidien depuis tant d'années que je ne peux pas me passer de sa musique et j'ai le souvenir de dizaines de concerts explosifs, électriques ou plus intimistes et magnifiques (en 1996 et 2005). Le revoici en 2020 avec son groupe mythique le E Street Band, ils n'avaient pas enregistré ensemble depuis 6 ans, Bruce s'était lancé dans son spectacle à Broadway qui a cartonné pendant un an et demi puis il est parti dans le projet Western Stars, un album et un film que j'ai adorés. Ca fait donc du bien de retrouver tous ces fabuleux musiciens, au service de textes toujours ciselés de Bruce, sur le temps qui passe, l'amitié, le rock qui survit à toutes les périodes ( Last Man Standing ou encore House of a Thousand Guitars: "From the stadium to the small towns bars, We'll light up the house of a thousand guitars"). Bruce a été marqué par la mort de plusieurs amis d'où le ton très mélancolique de cet album. L'actualité politique des Etats-Unis n'est jamais abordée frontalement même si, dans certaines phrases, on peut y trouver des allusions subtiles (Faut-il voir dans le "Criminal clown" de House of a thousand guitars l'actuel locataire de la Maison Blanche???). Côté musical, aucune révolution, c'est le son de ce groupe, presque une famille, soudée depuis parfois l'adolescence, qu'on retrouve et qu'on aime (en cela, cet album comblera les fans mais il est moins original que les arrangements brillants de Western Stars). Même si Danny Federici et Clarence Clemons ne sont plus là aujourd'hui, la relève est bien assurée par son neveu, Jake Clemons, ayant déjà pris parfaitement ses marques sur les tournées 2012 à 2016 et qui prend de l'assurance en studio: ses solos ne sont pas les passages géniaux que pouvaient sortir son oncle mais il semble être parfaitement intégré à la famille et nous sort quelques jolis moments (The power of prayer par exemple). Certains titres font mouche dès la 1ère écoute comme Ghosts ou Last Man standing. Et entre ces nouveaux morceaux, Bruce en a glissé 3 anciens, des chansons du début des années 70 qui étaient restées inédites et qu'il a réengistrées avec le E Street Band en 2020: Janey needs a shooter, If I was the priest et Songs for the orphans. Là, le fan est heureux même si le collectionneur possédait déjà les originaux dans des enregistrements bootlegs (ils sont faciles à trouver). On voit à quel point depuis le début de sa carrière, Bruce a appris à épurer ses textes pour aller à l'essentiel, raconter ses histoires avec les mots justes, sans fioriture. Bruce est donc en forme même si il est très peu probable qu'une tournée mondiale soit organisée en 2021 vu le contexte actuel, malheureusement, mais parions que dès que ce sera possible, ils reviendront enflammer les scènes et Bruce nous fera hurler: "You've just seen...the heart-stopping, pants-dropping, house-rocking, earth-quaking, booty-shaking, Viagra-taking, love-making –Le-gen-dary E – Street – Band!". Moi j'ai hâte et je ne dois pas être le seul!!!