Etant un inconditionnel de l'homme à tête de chou, de Mélody évidemment et de Gainsb/ar/ourg en général c'est avec une immense curiosité que j'aborde ce disque.
Mais comment vais-je faire pour ne pas comparer les deux albums ? C'est impossible !
Comment Alain Bashung va-t-il s'échapper du piège ? Est-ce possible ?
Certainement il est fou de cet opus "phare", de cette musique qui colle "peau à peau" cette poésie déjantée si proche du réel. Toutefois comment aller au delà ou à tout le moins égaler le maître. Que va bien pouvoir insuffler le sieur Bashung ?
La solution parait évidente il faut oser, explorer d'autres pistes musicales puisque toucher au texte serait un sacrilège ! C'est véritablement un défi, un challenge : ne pas refaire pareil. Changer la musique donc, trouver des arrangements novateurs, naviguer à travers les accords somme toute assez simples, les bousculer, les remodeler. Ce sera difficile car le psychédélisme et les ambiances magiques insufflées notamment par le guitariste Judd Proctor touché par Melpomène ou Euterpe, sur l'album de 1976 se trouvent si haut perchées !
Les feuilles de chou bien évasées j'envoie la zizik vers ma cervelle et je ferme les yeux. Petit roman musical à relire, réécouter ! Lunatic Asylum se termine. L'histoire du journaliste éphébophile, de la petite adolescente pubère Marilou se termine. C'est comme une mini biographie de Gainsb/ar/ourg.
Dr Jekill et Mr Hyde, Janus moderne empêtré dans son amour du passé et son acceptation de l'avenir assorti de décrépitude de la fin inéluctable. Appelez le comme vous voulez mais appelez le deux fois car il est double ! Le vertueux Gainsbourg et le nauséeux, le malsain Gainsbar racontent leur histoire dans cet album que Bashung restitue avec passion ! Aimer des filles très jeunes est impossible semble dire Gainsbourg et alors de répondre Gainsbar. C'est peut être là ou Alain bloque : le ressenti de la voix !
La voix ! Le talk over désabusé, tellement ressenti du tréfonds de son malheur, de cet amour difficile, prémisse de cocufiage qui poussera Gainsbar au crime est pour moi moins profond trop léché tout en étant subtil. Malgré tout et sans nul doute c'est "classieux" dirait le maître !
Quand à la musique moins psychédélique et un rien jazzy par moments (trompette d'Erik Truffaz que l'on reconnait immédiatement) force m'est de reconnaître qu'en collant à la VO elle est splendide. Les retouches sont belles et les arrangements sont parfaits.
Tellement difficile de revisiter un album de ce calibre, de chanter un sujet qui n'est pas le sien, de se mettre dans la peau d'une personnalité double atypique et trouble et d'y mettre un peu de soi.
C'est réussi ! Avec brio Alain coupe les mailles du filet et s'échappe du piège.
Alors, si vous levez la tête et regardez bien à travers les nuages vous verrez peut être le dandy punk là bas au loin tendre ses feuilles de chou, expirer quelques volutes brunes, baisser ses deux visages et doucement se mettre à pleurer des quatre yeux.