A force de lire partout que tel disque est un chef d’œuvre, on en vient à adopter une posture mimétique pour ne pas passer pour un idiot. Surtout quand il s’agit d’une soit disant pierre angulaire lorgnant vers la musique savante voire classique.


Sauf qu’au bout d’un moment, il faut être honnête et dire tout haut ce qui ne va pas.


Lift Yr. Skinny Fists Like Antennas to Heaven! ou l’album le moins bon de la discographie de Godspeed You! Black Emperor. Un double CD dont la lourdeur, l’inégale inspiration et le pathos gênant en font la matrice de tout ce que le post-rock engendrera de pire. Autrement dit : le "crescendo-core" ou une musique ambient rock dont les structures jouent aux montagnes russes. Un crescendo, un decrescendo, un break ambient et un autre crescendo pour vous faire comprendre que ça se déroulera de cette façon pendant presque 1 heure et 30 minutes.


Il est vrai que la troupe Canadienne a cet avantage d’être ambitieuse en mélangeant diverses influences dont certaines s’éloignant du rock. Est-ce une raison suffisante pour excuser le manque de moments forts que possède cet album ? Car son principal défaut est là, les passages les plus mémorables sont noyés dans un ensemble prévisible et sans grande inspiration. Dissimulés par ces changements brutaux d’atmosphère n’ayant ni queue, ni tête (flagrant dans la première partie de « Antennas to Heaven »).


L’autre défaut inexcusable, c’est l’excès. Lift Your Skinny… n’est pas seulement bien trop long pour ce qu’il a dire, il est d’une grandiloquence fréquemment ridicule. Le riff dissonant concluant l’interminable montée en puissance de « Sleep » est tellement larmoyant qu’il ferait passer Muse pour un groupe sobre et mesuré. Il ne faut pas non plus oublier ses samples vocaux assommants et beaucoup moins pertinents que ceux de F♯A♯∞.


Tout cela est pompeux et lacrymal. Autant comme pouvez l’être le rock progressif des années 1970 (seuls les moyens ont changés, le post-rock préférant les textures et le minimalisme à la complexité)… C’est d’ailleurs hilarant de constater que ceux qui glorifient ce pavé sont souvent les premiers à cracher sur cet antique courant.


Le bilan n’est toutefois pas complétement négatif. Les instants ambient et drone sont régulièrement de toute beauté, tout en étant d’une meilleure tenue que certaines furies rock. « Storm » est même un titre impressionnant. Le seul qui tient à peu près la route sur toute sa durée.


Cela n’empêche pas la seconde œuvre de l’Empereur Noir d’être ratée en comparaison de ce qui l’entoure. Il a eu les yeux plus gros que le ventre, mais il a su réagir avec lucidité sur ce qui sera justement son meilleur disque : Yanqui U.X.O..


Merci pour sa crédibilité et surtout, merci pour nos oreilles.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 12 oct. 2015

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Seijitsu

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