C'est la nouvelle tendance. Tous les artistes ou presque des sixties / seventies s'y mettent. Rééditions d'anciens albums agrémentés de nouveaux titres, sorties de lives exclusifs, toutes les archives y passent. Souvent pour notre plus grand bonheur. Neil Young n'échappe pas à la règle. 3 lives datant du début des seventies, un au Fillmore East en 70 avec le Crazy Horse : une déferlente de guitares électriques, une bataille au somment entre Young et Whitten avec des raids de plus de 10 minutes pour essayer de montrer au monde que, comme le scande si bien le canadien, le Crazy Horse "n'a rien à envier aux Stones". Mais cette critique portera sur un des deux lives totalement différents du premier.
19 janvier 1971.
Massey Hall. Toronto. Canada.
Le Loner. Seul.
Un public.
Une guitare. Un piano. Une voix.
17 titres.
Divin.
Après ses différentes expériences musicales toutes réussies ( avec le Crazy Horse, avec le CSNY et son fabuleux After The Gold Rush ) Young débarque dans sa ville natale avec la ferme intention de bouleverser les codes d'un concert de l'époque. Il est seul, personne ne l'accompagne sur scène. Pari réussi. Il captive l'attention d'un public pendant plus d'une heure. Et avec brio.
Je me demande à chaque écoute comment il parvient à réaliser ce tour de force. Qui peut prétendre reproduire un tel exploit si ce n'est Neil Young lui même ? Avec autant de raffinement et de virtuosité ? Alors... qui ? Ne cherchez pas plus, j'ai la réponse. Personne. Nul ne peut atteindre une telle maîtrise et un tel niveau musical en jouant seul. Mais faut-il d'abord expliquer pourquoi...
Situons le cadre. Une petite salle, un petit club au sein de Toronto au Canada. Le public accueille leur héros national triomphalement. Et c'est mérité. Young se lance avec sa guitare acoustique et dès les premiers accords, les premières paroles, le public mais nous aussi auditeurs du disque sommes embarqués dans l'univers ensorceleur du Loner. Alternant piano et guitare, Young navigue entre les notes et dirige ce vaisseau, ce tapis volant où nous sommes bercés en direction du paradis de la musique. Ce qui est fascinant dans ce live, c'est cette impression d'écouter plusieurs instruments jouer ensemble. Ils ne sont pourtant pas là, mais on les entend et plus spécialement lorsqu'il sort sa guitare. On s'imagine un rythme de batterie plutôt saccadé à chaque fois qu'il gratte les cordes, de légères lignes de basse en fond voire même une seconde guitare répondant en toute discrétion à la première. Et puis cette voix... se mariant parfaitement avec les instruments qui tantôt nous susurre de doux mots aux oreilles pour ensuite s'envoler dans les aigus frôlant toujours les fausses notes sans les atteindre. C'est ce qui fait le charme de Neil.
Quant à la setlist, difficile de faire mieux, en même temps quelle chanson du Loner n'aurait pas sa place dans un de ses concerts ? Elle est composée de vieux titres datant de l'ère Springfield, d'autres du Crazy Horse, du CSN&Y, et d'After The Gold Rush, et puis de morceaux exclusifs : pas moins de 5 qui sortent dans Harvest et un dans On The Beach. J'essaye de me mettre à la place du public et quelle claque ce doit être de pouvoir entendre ces chansons là en avant-première. Petite mention spéciale aux 2 titres du Crazy Horse, ces tempêtes électriques sur l'album studio transformées, adoucies et sublimées par Young et spécialement Cowgirl In The Sand.
En plus de la qualité musicale de ce live, il se dégage une aura spéciale. Oui, ce concert possède véritablement une âme. Le Canada, un petit club, un public chaleureux, un Neil Young se livrant plus que jamais mêlant blagues, anecdotes et musique ( on se plaît même à écouter le Loner accorder sa guitare ), quelques légers bruits de toux, des moments de silences religieux... On ressent cette proximité entre l'artiste et le public, ce climat intimiste. Ce sont tous ces détails qui forment réellement ce Live 71 au Massey Hall.
A chaque écoute, je suis transporté dans une autre époque, sur un autre continent. J'ouvre la porte du Massey Hall. Je me faufile à pas de loup et m'insère à ce public canadien. Je change de nationalité le temps d'un concert. Et j'en suis fier. Si seulement...
J'espère tout de même avoir donné envie à certains de se procurer ce disque. Et au passage peut-être un détritus dans cet océan d'éloges : les applaudissement sont trop longs dans le mix de l'album, surtout pour le rappel ( environ 2 minutes ). C'est de trop, on le sait, on le sent cet amour que le public envoie au génie canadien. M'enfin bon je chipote là...
Je vous retrouve donc au Massey Hall en 71, je serai un canadien masqué. Faîtes-moi signe si vous m'voyez pour qu'on profite ensemble du concert !
Goodbye Cowgirl In The Sand.