2010 voyait le retour de Peter Gabriel qui démarrait la publication à un rythme annuel d’une tétralogie d’albums de reprises : Scratch My Back (2010) où il reprenait les chansons d’autres artistes accompagné d’un orchestre, New Blood (2011) où il administrait ce traitement à ses propres compositions, I’ll Scratch Yours (2013) où les artistes évoqués lors du premier album reprenaient à leur tour des titres de Gabriel, et donc Live Blood (2012), enregistrement des concerts londoniens de la tournée associée. Retour plaisant, puisque ces reprises orchestrales permettaient de revisiter la discographie du chanteur d’une autre oreille tout en soulignant comme jamais auparavant la beauté grandissante de sa voix (je crois que c’est le seul chanteur que je connaisse dont la voix s’embellit avec le temps), mais aussi frustrant, son dernier album de compositions originales remontant à 2002.
Live Blood est ici doublement frustrant, puisque le concert est orchestral et ne propose donc pas des interprétations très différentes de celles présentes sur New Blood et Scratch My Back, nulle place n’étant laissée à l’improvisation. Le plaisir est toujours présent, mais la surprise ne naît plus qu’à l’occasion des quelques morceaux du répertoire de Gabriel qui n’avait pas encore connu de transformation orchestrale et qui sont donc les principaux points d’intérêt pour quelqu’un connaissant déjà les albums précédents : « Biko », qui voit la fièvre de l’originale remplacée par une délicate sobriété, et « The Drop », qui ne présente pas de changement radical. Trois autres chansons non présentes sur New Blood, bien qu’elles aient aussi subi un traitement orchestral auparavant, permettent aussi à Live Blood d’apporter un peu de renouveau par rapport à son prédécesseur : « Washing Of The Water », « Blood Of Eden » et « Signal To Noise » ; la première, duo bucolique d’une grande fraîcheur, est un des sommets de l’album, tandis que la dernière ne permet pas d’oublier l’originale, qui était certes une très grande chanson mais qui devait beaucoup aux vocalises menaçantes de Nusrat Fateh Ali Khan, dont l’absence crée ici un affadissement.
Si Live Blood n’est finalement pas d’un intérêt majeur dans la discographie de Peter Gabriel, il est difficile de nier la qualité de l’album, certes redondant après Scratch My Back et New Blood, mais qui n’empêche pas de continuer de s’émerveiller devant la façon dont l’artiste a su convertir les percussions tribales de « The Rhythm Of The Heat » en partition pour orchestre et sublimer certains titres comme « Darkness » et « Red Rain » et de se laisser emporter avec le public par les fréquentes envolées (notamment « In Your Eyes », « Après Moi » et « The Power Of The Heart », qui contraste avec la sobriété de la version originale de Lou Reed).