Les Célèbres Groupies

Wings est la formation la plus sous-estimée des années 70. Elle a sorti huit albums en pratiquement dix ans, aucun, absolument aucun n'est à jeter. Groupe à la formation changeante, Wings a été l'occasion pour Paul McCartney de montrer au monde son pur génie pop. Nous allons aborder aujourd'hui leur album le plus particulier, et sans doute l'un des moins connus, London Town, sorti en mars 1978 pour EMI-Parlophone.

Naturellement, et comme toujours, un peu de contexte ! En 1976 Wings pète tous les records, pour un groupe ayant réellement commencé en bas de l'échelle, tournant dans les universités anglaises, on peut parler d'une remontée! Leur dernier album, Wings At The Speed Of Sound cartonne, et leur tournée américaine est surbookée (tournée qui sera illustrée par le triple-live Wings Over America, sans doute un des meilleurs albums live jamais publiés). McCartney se réjouit de ce succès, depuis la dissolution des Beatles, il a toujours été considéré par les critiques comme le maillon faible, au milieu des ambitieux projets de ses ex-partenaires. Cependant, au milieu des 70's, c'est lui le patron ! Lennon est hors-course depuis la naissance de Sean et le piètre Rock'N'Roll, George remonte difficilement la pente amorcée par le pourtant sympathique Dark Horse, et Ringo ... Bref ! C'est donc Macca le représentant officiel de la Beatle Brand encore en réelle course, car il est prouvé qu'à ce moment Wings vit sa meilleure périodes commerciale, tout semble aller bien !

1977, Paul aimerait la plier comme l'année précédente, et le groupe commence à travailler sur ce qui deviendra London Town. Lui, Linda, Denny Laine, Jimmy McCulloch et Joe English enregistrent quelques titres, en prévision également d'une nouvelle tournée américaine. Cependant, Linda se rend rapidement compte qu'elle est enceinte, de son troisième enfant avec Paul. Le groupe se voit donc obligé de suspendre ses activitées.

Conscient du temps libre offert par la grossesse de sa femme, McCartney se dit qu'il serait agréable de réitérer le succès surprise de Band On The Run, enregistré dans de drôles de conditions à Lagos, au Nigéria. Alors, en pleine explosion punk, Wings s'envole ( :) ) pour une flotte de yachts d'enregistrement dans les Îles Vierges. Un enregistrement sur l'eau, convenons que c'est assez original.

La majorité de London Town est mise en boîte aux Îles Vierges et à Londres, aux studios Abbey Road ou AIR. Durant un break pendant ces sessions, un single est enregistré, et pas n'importe quel single, on parle de celui resté longtemps en tête des 45 tours les plus vendus en Grande-Bretagne, "Mull Of Kintyre". Cette merveille celtique parle des terres écossaises où Macca aime se réfugier, et cette chanson est n°1 à Noël 1977, créant donc une forte attente autour du prochain album de Wings. Egalement, la fin 1977 est marquée par le départ du guitariste Jimmy McCulloch, parti rejoindre les Small Faces puis un cimetière (overdose en 1979), et du batteur Joe English, américain ayant le mal du pays. Il deviendra un fervent évangeliste, jouera sur quelques albums de rock chrétien puis disparaîtra dans la nature. Wings se retrouve alors autour de son noyau dur: le couple McCartney et Denny Laine.

London Town est un des favoris des fans de McCartney, et, je l'avoue, le mien aussi. Son contexte d'enregistrement particulier en a fait une oeuvre singulière, impossible à catégoriser efficacement. On trouve un peu de tout dans cet album, du celtique, dans la veine de "Mull Of Kintyre", avec "Children Children" de Laine, magnifique, et "Don't Let It Bring You Down" de Macca. Comme dit auparavant, le disque a été enregistré, en partie, aux Îles Vierges, néanmoins on ne ressent absolument pas cette ambiance qui aurait dû être tropicale, estivale et peut être festive. Non, London Town, comme son nom l'indique, est un album typiquement anglais. La chanson-titre le prouve bien, fantastique ballade à trois voix, ou encore "Deliver Your Children" de Denny Laine, sans doute ma préférée de l'album!

On trouve également la beauté acoustique, pouvant rappeler le tendre "Junk" du premier album de Macca, "I'm Carrying". Cet homme a vraiment le secret pour proposer des pépites acoustiques comme cela ! Le sans-prétention "Famous Groupies" séduit cependant, avec des choeurs finals absolument magiques, et tous les fans de Bambi (pas moi) auront sans doute reconnu "Girlfriend", mièvre ballade chantée d'une insupportable voix de fausset, ensuite offerte à Jackson, qui la mettra sur Off The Wall. Ce n'est clairement pas le point fort de London Town, de même pour le rockabilly mou "Name And Adress", insignifiant, ou le faussement bourrin "I Had Enough", un peu caricatural, surtout pour 1978.

L'album, sorte de prémice au génial McCartney II de 1980, utilise également pas mal de synthés, sur la chanson-titre d'abord, mais aussi sur le diptyque "Backwards Traveller-Cuff Link", où ils occupent une place importante. Enfin, et surtout, ils font de "With A Little Luck", single principal du disque, une pure merveille de douceur aux choeurs hypnotiques et à l'atmosphère suave. C'est réellement magnifique, et inoubliable en fait.

L'album se termine par une pépite funk furieuse, qui fait directement écho à l'enregistrement maritime de l'album, "Morse Moose And The Grey Goose", sincérement superbe. McCartney sera en fait beaucoup marqué par ce séjour en bateau, puisqu'il consacrera une autre chanson au sujet, "Wanderlust" (du nom d'un des navires) sur Tug Of War en 1982.

London Town est un superbe album, le plus à part dans la discographie de Wings. Il marchera bien, autant critiquement que commercialement, et à juste titre. La sortie peu après du single "Goodnight Tonight" remet toutes les cartes en jeu. Nouveau backing band, nouveau style, nouvelles promesses, Wings semble reparti pour un tour ! Mais le coeur n'y est plus ...

London Town, "walking down the sidewalks on a purple afternoon" ...

London Town, full album

https://www.youtube.com/watch?v=QzIQE--1gI4&list=PLHpyBk0pZi2QrBfs9fsy_-OZW5HGJpadD