L'histoire du rock est parsemée de ces albums massues, venus d'un messie qui, sans forcément créer un style, le réinvente dans une atmosphère inédite. Osons dire que depuis Origin of Symmetry et l'éclat alternatif de Muse, le rock n'avait pas connu de tel prodige. Voici Tame Impala, qui après un premier album très prometteur, impose Lonerism dans le paysage. Le rock psychédélique de Kevin Parker s'élève alors sans difficulté au-dessus de celui des pourtant très bons Thee Oh Sees, Temples et autres Midlake. Ils donnent un éclat doré à ce style planant hérité de la seconde moitié des sixties, dans lequel ont notamment excellé Pink Floyd, les Beatles, les Doors et les 13th Floor Elevators.
Lonerism n'est pas avare en moyens pour poursuivre son objectif, c'est-à-dire embarquer l'auditeur dans un trip kaléidoscopique à 10 000 km au-dessus des nuages. Donnez-moi des samples, du Larsen, de la distorsion. Faites rouler la batterie, laissez résonner longtemps la voix, introduisez une mélodie pop au piano pour faire joli. Enrobez le tout de synthés soigneusement préparés. Ajoutez des brouhahas s'il le faut. La basse vrombissante toujours en renfort, les multiples instruments joués par Kevin Parker nous livrent une fanfare exaltante, grandiose, transcendante. Au-delà de son appartenance psyché, Lonerism porte en lui l'éclectisme du hip-hop et la sophistication du rock progressif.
C'est également un album cohérent dont le thème fédérateur, comme le titre le laisse penser, est la solitude. "Why Won't They Talk to Me?" retranscrit cet état à la perfection, faisant une économie de mots pour laisser parler les émotions. D'autres thématiques qui abondent les paroles incluent l'amour, l'illusion, l'évasion. Les personnages ont l'air vivants comme dans un film, notamment le protagoniste de "Elephant" qui est un archétype d'individu égoïste et prétentieux que tout le monde connaît. Lonerism est donc un voyage aérien, mais aussi un voyage intérieur.
S’il fallait dresser un podium parmi les perles de Lonerism, je sélectionnerais sûrement « Mind Mischief », « Why Won’t They Talk to Me » et « Feels Like We Only Going Backwars ». Mais franchement, il n’y a rien à jeter sur cet album, dont chaque titre peut apparaître plus déluré que les autres. Le renouveau du génie musical a donc le nom d’un mammifère africain et vient d’Australie.