Lost, c'est toute mon adolescence, une série d'anthologie, qui, à mes yeux, représente la meilleure première saison de toute l'histoire des premières saisons de série. Rien que ça. Si je compte bien pondre un jour une critique-roman sur le projet fantastique de J.J. Abrams, il s'agit pour le moment de se focaliser sur l'une des composantes essentielles responsables de mon amour fanatique : la bande-son. Je n'ai jamais autant dégusté une BO. de série comme celle-ci. De bout en bout, les morceaux qui jalonnent chacun des épisodes avec la même constance - la même puissance en réalité - portent sur leurs épaules toute la dimension tragique, passionnée et désespérée de l'histoire étrange de ces personnages tourmentés par leurs souvenirs. En multipliant les effets d'emphase, et ce dès le pilote et la scène du crash sur la plage, l'immersion dans l'atmosphère étrangement oppressante de cette île du Pacifique est totale. Certains pourraient faire le reproche à Michael Giacchino de se la jouer à la Howard Shore (dont on considérait parfois son travail pour le Seigneur des Anneaux trop envahissant). Néanmoins, c'est justement grâce à cette implication émotionnelle totale que nous rentrons dans la tête des protagonistes, que nous pouvons nous mettre à leur place. Grâce à cette délicatesse magistrale que l'on ne peut que frissonner devant les plans tour à tour glaçants ou touchants de Lost.
En effet, Giacchino assume parfaitement la pluralité d'instruments utilisés, jouant aussi bien sur les cuivres que par une profusion de violons nerveux et angoissants. Inutile d'espérer échapper à un destin inéluctable et anxiogène. En parallèle, la finesse des thèmes propres à certains personnages dépasse toutes les espérances (Sun, Shannon, Boone, Locke, etc.) et gravent dans la mémoire autant de scènes de morts, d'enterrements, de deuil et d'amertume accumulées comme autant de déchirures.
Il est rare de pouvoir apprécier une BO de série en tant qu'œuvre à part entière. Et c'est le cas ici. A la fois parfaitement protéiforme et moulée à l'histoire avec précision et pertinence, son identité propre et ses accents à la fois uniques et universels en font une pépite à écouter et réécouter sans modération.