The sky's turnin' gray, there's clouds overhead...
Sous un titre niais et une pochette très étrange se cache un album perturbant.
D'abord parce que nous sommes en 1977 et la période de disette artistique des Beach Boys a commencée depuis Surf's Up (1970), leur dernier grand chef d'oeuvre.
Deux albums moyens voir mauvais suivent, Brian n'est pas vraiment voir pas du tout présent, empêtré dans sa folie et ses addictions, jusqu'à ce "Love You", où le groupe vient le chercher pour retrouver leur succès d'antan.
Mais il est certainement pas question pour Brian de se la re-jouer Smile ou Pet Sounds dans une période pareille.
Donc il va le faire à sa façon, suivant son humeur du moment.
Et c'est ce qui explique le caractère malsain de l'album.
D'abord par la musique en elle-même. Les synthés ont une place prépondérante et un son beaucoup plus électronique, artificiel que d'habitude. Même chose pour la basse, fuzzy, qui saute aux oreilles dès le premier titre, le très moyen "Let Us Go on This Way". On a l'impression que le groupe souhaite refaire des titres de leur période 60's, mais que la musique ne suit pas. Pourtant les paroles ne (semblent) pas avoir changé depuis le temps ? Toujours les femmes, de l'idéal féminin, du bon temps avec elles ("Good Time"), tout type de bon temps. ("Roller Skating Child")
Mais plus l'album avance et plus le contraste est saisissant. La seconde face offre plus de place à la voix de Brian et les morceaux se font encore plus intimes. En témoigne le magnifique "Let's Put Our Hearts Together", où Brian chante d'une voix déchirante en duo avec sa femme. C'est une chanson d'amour mais on a plus l'impression que les deux personnes qui l'interprètent ne croient pas vraiment en ce qu'ils chantent. Et pour cause, ils divorceront 2 ans plus tard, principalement à cause du comportement irresponsable de Brian envers leurs enfants.
Ni la splendide "The Night was So Young", morceau parfait pour une nuit blanche, ni "Solar System", chanson sur... les planètes (?!) n'arrangent la situation. On ne croit plus depuis longtemps aux Beach Boys, les soi-disant garçons de la plage niais.
Alors une autre vision de l'album s'impose, celle d'un groupe essayant tant bien que mal de renouer avec leur succès, en faisant revenir leur génie. Problème : le génie est fortement tourmenté (comme la plupart des génies me direz-vous), donc qu'est-ce que cela donne au final ?
Un album touchant, parfois disgracieux dans sa forme mais splendide sur son fond. Triste aussi, de voir ce qu'est devenu Brian Wilson, qui n'a pas perdu son génie mais qui ne semble plus le maîtriser totalement.
Le dernier grand album des Beach Boys ? Il me reste à écouter That's Why God Made the Radio...
(A noter la reprise par Alex Chilton de "I Wanna Pick You Up", parue sur la compilation Caroline Now : Magnifique. Remet au goût du jour le morceau et le réinvente de la plus belle des manières, en supprimant le côté bizarroïde de la musique. A écouter absolument.)