On l'avait tous cru cet escroc de Sérigne quand il nous a balancé qu'il arrêtait le rap. C'était en 2009 avec son album testamentaire "Disiz The End" et c'était inévitable. Une industrie du rap d'après lui pourrissante, un climat délétère et violent, des soucis personnels bref, tout était vraiment dégueulasse. Pourtant le revoici trois ans après nous avoir fait ses adieux. Plus mature, plus déter', nouveau label en indé, nouvelle religion, nouveau pseudonyme. Exit "la peste", Disiz tout court c'est beaucoup plus sérieux et surtout plus profond dans les textes. Il sort "Lucide" en 2012 avec la ferme intention de reprendre la place qui était la sienne dans le hip-hop français tout en assaisonnant son disque d'une pointe de "Peter Punk", ce bon côté rockstar qu'il n'a toujours pas totalement laissé dernière lui ce qui ne manquera pas de se remarquer dans le choix des prods qu'il utilise là et utilisera aussi pour sa suite.
Disiz se veut lucide et nous explique le projet en détail. Il moque les acteurs vaniteux du nouveau rap ("Toussa Toussa"), nous dit qu'il emmerde le monde entier et qu'il a la haine ("J'ai la Haine") chanson qui a dû être écrite après son passage chez Ruquier on peut comprendre, tout en exposant très fièrement la nouvelle personne qu'il est devenu et en criant son amour pour son cher public ("Mon Amour", "Un Frigo...").
Il questionne ses auditeurs dans le titre "Moïse" sur le type de rap qu'ils défendent. Distingue bien le conscient du commercial à coups de référence biblique/coranique (car si Disiz se revendique rappeur conscient délivrant des messages il trempe aussi beaucoup dans l'égo-trip paradoxalement) et se positionne une fois encore en tant que professeur ou éducateur de son public. Si cette tendance récurrente chez lui pourra en agacer certain(e)s, ce n'est jamais mauvais d'entendre des MCs soulever de telles questions et défendre ce genre de discours surtout par les temps qui courent, le milieu rap étant devenu ce qu'il est. Mais que l'on adhère ou pas au style, le rappeur shoot à tous les coups dans le mille lorsqu'il s'expose sur des morceaux intimes et personnels. Disiz a toujours cette naïveté tantôt touchante tantôt agaçante qui le caractérise depuis ses débuts mais fait cette fois-ci un peu plus la part des choses. L'homme a mûri, a prit de l'assurance et ça s'entends dans ses sons… mais aussi en interview, ce qui est un peu chiant dans son cas puisqu'il a toujours tendance à vouloir s'immiscer dans certains débats ou sujets qu'il aborde avec une maladresse déconcertante (son avis sur M. Merah), en se ridiculisant tout seul et en argumentant avec la rhétorique d'un ado (cf. lui même dans le titre "Mon Amour").
Je passerai également sur son égocentrisme légendaire retrouvé en interview.
Cet EP, qui annonce on ne peut mieux la couleur pour la suite des événements contient de purs morceaux revitalisants tels que les terribles "Mon Amour" ou "Un Frigo, un Coeur et des Couilles" mais il est à mon sens entaché par les trois titres de fin clairement en deçà du reste des tracks du skeud. "Bête de Bombe 5" tout d'abord, a dû être écrit il y a un certain temps et qui sent le morceau un peu poussiéreux fourré ici pour faire plaisir aux deux-trois anciens qui ont kiffé la série des "Bête de Bombe"... Et deux autres en featuring avec les membres de "1995", un collectif de "rappeur" que je n'affectionne pas et qui représente une branche spécifique de ce que je méprise dans ce "nouveau rap" justement, c'est dommage dans la mesure où le maxi devient inégal avec des morceaux fortiches au début et faiblards à l'arrivée, d'où la note moyenne au final… mais pas catastrophique, Lucide n'étant finalement que l'amuse-gueule qui introduit le fameux plat principal qu'est Extra-Lucide.
Extra-lucide : http://www.senscritique.com/album/Extra_lucide/critique/26312071
Transe-lucide : http://www.senscritique.com/album/Transe_lucide/critique/29615939