Avant de développer sur l’album en lui-même, j’aimerai revenir sur les étranges émotions qu’a pu provoquer en moi l’annonce d’un tel album. David Gilmour, c’est avant tout mon artiste musical préféré, ça fait depuis neuf ans que j’attends l’occasion de le voir en concert et le bougre a attendu bien longtemps avant de remontrer le bout de son nez.
Il y a d’abord la vente aux enchères de toutes ses guitares en été 2019. Annonce qui m’avait glacé le sang tant elle laissait entendre une possible retraite de l’homme mais hey ! Gilmour peut s’armer de n’importe quelle autre guitare, son style demeure et il a su le prouver par la suite sans sa légendaire Black Strat.
La même année, il publie en catimini le single Yes I Have Ghost, co-écrit avec sa fille Romany Gilmour. Morceau qui ne m’a pas marqué sur le coup malgré un accompagnement à la guitare sèche très doux.
En 2022, du fait de la guerre en Ukraine, Gilmour utilise le nom de Pink Floyd pour publier le single Hey Hey Rise Up avec le chanteur Andriy Khlyvnyuk. L’utilisation du groupe était surtout un prétexte pour attirer des fonds afin de soutenir le pays en guerre. Gilmour nous faisait là le cadeau d’un joli solo mais voilà, aussitôt publié, aussitôt oublié.
Enfin, en avril 2024, il revient avec un vrai projet d’album, Luck and Strange et nous béni d’un single, The Piper’s Call.
The Piper’s Call, c’était vraiment la bouffé d’oxygène dont j’avais besoin. Une introduction calme à la guitare sèche qui laisse deviner une ambiance posée tout du long. Mais c’était sans compter sur la capacité du maestro à faire monter en progression l’intensité de ses chansons. La basse s’installe, puis la batterie, les chœurs et voilà, The Piper’s Call se métamorphose. D’une ballade enchanteresse, nous passons à un titre rock nous contant un pacte avec le diable. Moi, j’ai déjà vendu mon âme, elle est à Gilmour, en retour, il m’a certifié d’un SOLO DE GUITARE QUI EN JETTE.
Forcément, après ça, je ne peux qu’attendre avec ferveur l’album.
Quelques mois après : Between Two Points. On retrouve la formule de Yes I Have Ghosts mais perfectionnée. Romany chante à merveille sur ce titre et son motif mélodique à la harpe hante sublimement le morceau. La chanson s’achève avec un solo de guitare moins rentre dedans que celui de The Piper’s Call mais plus réfléchi. Gilmour tourne autour de la mélodie, cherche la note juste et parvient au bout à toucher en plein cœur. Bref, c’est pile ce qu’il sait faire. Il n’a jamais été dans la démonstration technique et Between Two Points est là pour le rappeler.
Enfin, un mois avant la sortie de son album, le dernier single apparaît : Dark and Velvet Nights et là, ça ne passe pas. Malgré la présence du brillant Steve Gadd à la batterie, pour moi, c’est un vrai raté. Entre la structure rythmique franchement bof et la mélodie qui ne m’emballe pas du tout, je me retrouve complètement à côté concernant ce titre. A côté de ça, on commence à deviner les limites vocales de Gilmour. Il vieillit, naturellement, mais à 77 ans, c’est compliqué d’aller toucher des notes aussi hautes. On sent les retouches numériques au mixage et ça picote un peu. Ce genre de camouflage passe en studio, mais en live, ça va être bien moche.
Bref ! Arrive enfin l’album et ce qu’il reste donc à découvrir ! Et en vérité…plus grand-chose quand on regarde la tracklist complète. Quatre véritables morceaux (Luck and Strange, A Single Spark, Sings et Scattered), deux morceaux d’introduction/transitions qui ne dépassent pas la minute et trente secondes (Black Cat et Vita Bretis) et une jam session autour du morceau titre de quinze minutes.
Black Cat et Vita Bretis, pas grand-chose à foutre. On a l’habitude de ce type de pistes chez Gilmour. Ça fait partie de sa marque de fabrique pour construire l’album. Ça offre de jolies ouvertures à Luck and Strange et Between Two Points mais c’est pas ce qui va retenir notre attention.
Le morceau éponyme ? Sympatoche. Gilmour tente quelque chose au niveau de la voix. Il va vraiment chercher des notes très aigües mais un peu comme pour Dark and Velvet Nights, je ressens quelque chose dans le mix qui me gêne un peu. C’était déjà un peu le cas dans l’album Rattle That Lock mais ici, c’est vraiment criant. Reste un morceau au groove plutôt chouette, un solo final solide. Mais eh, des solos dans cet album, on sait très bien qu’on va en avoir à la pelle et ce n’est que le premier.
A Single Spark est un morceau assez intéressant dans son atmosphère. Il y a comme quelque chose de lourd qui se présage. La partie chantée n’est pas nécessairement très marquante mais le solo de guitare sait nous mener vers des envolées lyriques fortes.
Sans trop m’avancer, je trouve que Gilmour réfléchie différemment ses morceaux, notamment leurs conclusions. J’avais vu qu’il s’est accompagné de Charlie Andrew à la production (notamment connu pour sa collaboration avec Alt-J). Et effectivement, ne pas avoir systématiquement de fade out aux solos les rends plus complets et c’est quelque chose de vraiment notable et appréciable quand on écoute ces nouveaux titres.
Je passe sur Sings, qui ne m’a franchement pas marqué et qui souffre de précéder le meilleur morceau de l’album Scattered. Là, pour le coup, je retrouve le Gilmour que j’aime d’amour et ça ne se joue qu’à une chose : les claviers ! Gilmour seul, c’est très chouette, mais si ses solos étaient aussi majestueux, c’était grâce à son comparse aujourd’hui décédé Richard Wright. Et bien là, on croirait presque entendre le Wright de Division Bell tant cette osmose entre Gilmour et les claviers crève les yeux ('fin, les oreilles). Cette descente de gamme simultanée en fin de solo est le coup de génie de cet album et très clairement un moment qui me restera pendant un certain temps.
Et franchement, Gilmour aurait très bien conclure l’album sur Scattered parce que la suite…bah c’est du réchauffé.
Je ne comprends vraiment pas ce besoin actuelle de faire des albums d’au moins une heure et Gilmour s’y pli assez bêtement. Du coup, plutôt que d’imaginer de nouveaux morceaux, il se contente de remettre Yes I Have Ghosts. A la limite, d’accord. C’était un single, il fallait bien le publier quelque part. Mais franchement, cette jam session de quinze minutes sur Luck and Strange, non merci. C’est toujours rigolo d’avoir accès à des sessions d’enregistrements mais pas quand ça vient compromettre la cohérence de l’album. D’autant plus que cette jam n’a franchement rien d’intéressant. Les musiciens semblent se renvoyer la balle sans trop savoir quoi faire. En résulte de longues minutes de flottement ou aucun instrument semble improviser quelque chose de vraiment concret et le riff devient très vite redondant, lourd…chiant. Le morceau s’achève bêtement sur un rire presque gêné de Gilmour en mode « bon…on va arrêter, j’crois que plus personne sait où on va ». Très clairement, les prochaines fois que j’écouterai cet album, je couperai juste avant cette piste de la même manière que je zappe Revolution 9 quand je me passe le White Album des Beatles.
C’était long…j’en suis désolé mais nous glissons doucement vers la conclusion.
Deux choses pour conclure. J’entends à droite et à gauche que c’est peut-être le meilleur album de Gilmour du fait de son homogénéité. C’est une réalité. L’ensemble est très homogène, et si on omet les deux dernières pistes, l’album est très cohérent et se suit assez brillamment. Cela dit, me concernant, l’homogénéité n’est pas un gage de qualité. C’est simplement un fait. Rattle That Lock était bien plus expérimental dans ses atmosphères et ses genres abordés. On y trouve même un morceau dans le style du jazz new-yorkais : The Girl in the Yellow Dress. Même si toutes ces tentatives ne sont pas une réussite, j’apprécie l’effort et de part ces voyages dans différentes contrées, je trouve que Rattle That Lock est un album bien plus fort que ce Luck and Strange.
De deux. Voici une déclaration de Gilmour concernant Luck and Strange :
C’est mon meilleur travail depuis The Dark Side of the Moon.
Vraiment ?
On ne va pas refaire l’histoire ni la comparaison. Mais ce genre de déclaration me laisse franchement perplexe et quand je vois le résultat final, je me pose des questions. Luck and Strange, c’est un bel album. C’est bien mené et il me tarde d’entendre Gilmour pousser ses nouveaux titres encore plus loin sur scène. C’est comme ça qu’In Any Tongue est entré dans la légende. Sur Rattle that Lock, c’est un énorme morceau, dans le Live at Pompeii, c’est un chef d’œuvre. Après…moi, j’écouterai ces lives sur mon ordi, puisque le salaud s'est contenté de quelques dates en Angleterre et en Italie et ne passe même pas en France (pourquoooooooooi).
Quoiqu’il en soit, je suis naturellement heureux d’avoir de nouveaux solos de Gilmour à me mettre sous la dent et à apprendre à mon tour sur ma gratte. Reste à voir la suite de sa carrière et peut-être…la fin.