Revenir sur m b v à intervalles (plus ou moins) réguliers n’aura rien changé à l’affaire : cette sortie fait tâche dans l’œuvre de My Bloody Valentine, car il s’agit d’un vrai four.
En 47 minutes, les Irlandais donnent tous les meilleurs arguments à ceux qui ont toujours clamé qu’ils ne savaient pas écrire de chansons. Parce que son véritable problème, ce n’est pas d’être un disque passéiste totalement déconnecté de son époque, mais bien d’avoir un songwriting faiblard. Les belles mélodies de Loveless ? Envolées comme par magie. Comme quoi, le temps efface tout. Même le génie.
A vrai dire, le groupe a au moins l’honnêteté d’afficher son manque d’inspiration dès le départ. A peine commencée, « She Found Now » nous plonge dans un profond coma… Pourtant, le son est énorme, quoique bien plus froid que celui de l’opus de 1991 (cette pochette moche et bleu aurait donc une signification ?). On lèvera de temps à autre le sourcil lorsque Kevin Shields sort quelques beaux sons de guitares sur la fin de « Only Tomorrow » et quand il utilise son instrument comme une tronçonneuse avec « Who Sees You » (ce n’est cependant qu’une pauvre réplique de « I Only Said »).
Même l’originalité de « Is This and Yes », qui pourrait être un atout dans une musique aussi prévisible, ne devient finalement qu’accessoire. Faire baigner la voix de Bilinda Butcher dans un bain de synthétiseurs n’étant pas suffisant, puisqu’on cherche les mélodies enchanteresses du passé. En vain.
Soyons honnête, il ne se passe pas grand-chose durant presque une demi-heure. Il s’agit seulement d’une musique barbotant avec joie dans les pires clichés du shoegazing (chansons plates et sans vie, mur de son fatiguant et peu impressionnant…).
Puis vient la surprise. « New You » retrouve un groove que l’on croyait définitivement inatteignable pour la bande et la voix de Bilinda dévoile de nouveau ses charmes grâce à un refrain enfin mémorable (ces "ououh" exquis). « In Another Way » se montre plus agressive et « Wonder 2 » apporte, pour la seconde fois, une idée inédite dans l’univers du quatuor… Même si complétement anachronique par rapport aux années 2010. Tout compte fait, c’est ce pattern drum and bass et cette atmosphère donnant l’illusion d’être prisonnier d’un réacteur d’avion qui en fait le titre le plus ambitieux de cet album.
My Bloody Valentine n’est pas à son meilleur niveau mais au moins, il réussit à se montrer digne de son talent… Si on oublie le pitoyable « Nothing Is ». Un morceau d’une rare indigence et dont la gaucherie involontaire est très embarrassante.
Trois bonnes chansons sur neuf et une piste faisant partie des pires trucs que la musique ait pu produire. Plus de vingt années de silence discographique qui aboutissent finalement vers ceci. Un bidule balancé par-dessus la jambe (m b v a été enregistré sur une courte période) et avec la certitude de plaire au moins aux fans désespérés ayant attendu le saint Graal pendant si longtemps.
La vieillesse peut être impitoyable et m b v restera pendant longtemps une des nombreuses marques tenaces de ce que les ravages du temps sont capables de causer sur des artistes autrefois extraordinaires.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.