Mes tops 10 ont beau fluctuer au gré de mes découvertes et de mes humeurs, depuis le début, un album reste inamovible tout en haut du classement: Madvillainy. Aux côtés des Donuts du regretté Dilla, c'est certainement la meilleure réponse aux abrutis qui osent encore prétendre que faute d'instruments, le hip-hop ne seraient pas un genre légitime. Et pour cause, il suffit de faire un tour sur WhoSampled et d'écouter la manière dont Madlib détourne et manipule à sa guise ses samples pour construire des morceaux d'une richesse folle pour comprendre que le sampling représente bien une nouvelle forme d'écriture à part entière. Hardcore Hustle est un parfait exemple de la magie à l'oeuvre ici: Madlib y décompose un morceau de funk de Diana Ross pour le transformer en une petite merveille de minimalisme et de noirceur. Et il ne s'agit ici que d'un exemple, chacun des morceaux fait figure de véritable leçon de sampling, tant d'un point de vue technique que créatif. Et qui plus est, Madvillainy est une parfaite porte d'entrée sur la foisonnante, fascinante mais souvent inégale discographie du producteur californien, à mi-chemin entre le classicisme de Pinata et les expérimentations bordéliques de la série des Beat Konducta.
Et puis, il y'a aussi MF DOOM. Figure aussi fantomatique que fédératrice du rap underground américain (et accessoirement producteur extrêmement sous-estimé), DOOM trouve ici sans doute le meilleur écrin pour son style absolument unique. Les expérimentations de Madlib sont à la fois un parfait complément et un contre-point à son flow aussi monotone que spectaculaire, le laissant égrener ses figures de style tout en l'empêchant de monopoliser l'attention de l'auditeur. Rarement une synergie rappeur/producteur pareille aura vu le jour, tant cette association semble naturelle. Et pour cause, malgré quelques fulgurances (MM... FOOD pour le rappeur masqué, Pinata pour Madlib), jamais nos deux protagonistes n'auront atteint un pareil niveau.
Au-delà de ça, ce qui fait de Madvillainy un album aussi important à mes yeux (et aux yeux de beaucoup d'autres), c'est sans doute le fait qu'il s'agit du premier album à m'avoir montré la possibilité d'une autre musique, peut-être moins propre et plus abstraite que mes premiers amours musicaux, mais d'une richesse incroyable. Entendre deux adultes se prendre pour des super-méchants de comics en balançant trois figures de style à la seconde sur des productions bourrées d'idées de génie m'a foutu une claque dont je ne me suis pas toujours totalement relevé. Pas étonnant de voir ainsi le nom de l'album revenir sur les lèvres de bons nombres d'artistes importants, d'à peu près tous les membres d'Odd Future à Kanye West, tant il s'agit d'un album fondamentale dans l'histoire du rap """"alternatif""" (gros guillemets pour éviter les AVC aux puristes) américain. Et rien que pour ça, il aura toujours une place particulière dans mon cœur.