Ceux qui disent que la musique adoucit les mœurs n'ont sûrement jamais eu l'occasion d'entendre des gens utiliser cette dernière pour effectuer l'équivalent d'une défenestration mélodique.
A défaut d'être en mesure de se suicider on peut toujours essayer de transvaser toute notre furie dans la vibration de l'air.
C'est toujours plus actif que d'être aux prises avec une douleur d'exister contre laquelle nous n'avons aucun moyen de défense.
"Marre marre marre", effectivement. A entendre Rebeka Warrior on a l'impression que la vie est fondamentalement immonde, qu'elle ne peut se supporter qu'en la poussant dans ses retranchements. C'est comme si rien n'avait d'importance, tout est pourri dès le départ ("En fait, t'es mort-né"), tout est déjà fait ("J'suis déjà allé partout, J'ai tout ramené, je connais tout"), tout s'équivaut ("C'est infernal tous ces mariages, tous ces baptêmes et tous ces morts"), aucune porte de sortie ne nous est offerte.
Alors il ne reste plus qu'à être une écorchée vive, à se cogner la tête contre des murs invisibles. Dans ce monde, la douleur reste la dernière chose concrète à notre portée.
Partant de ces prémisses on pourrait vite s'attendre à ce que la musique de Sexy Sushi soit profondément déprimante.
Bien au contraire. Tout est tellement grandiloquent, absurde et hors-limites que le seul moyen de défense qui nous reste soit le rire.
Les boucles entêtantes, le martèlement du rythme, tout est présent pour que l'auditeur se lâche corps et âme dans ce qu'on lui injecte.
Un poison délicieux, comme il y en a peu.