Mars Red Sky par Benoit Baylé
D’année en année, le stoner rock se bâtit une réputation de plus en plus affirmée au sein des milieux underground français. En réponse aux nostalgiques et naïfs bébés rockers, la dernière décennie a vu naître bon nombre de formations fascinées par les riffs pachydermiques teintés de psychédélisme emprunté tantôt au Monstre Magnet, tantôt au géant Kyuss. Parmi elles, Abrahma (ex-Alcohsonic), Black Heat Sujaa, Rescue Rangers et Glowsun tiennent assez clairement, depuis quelques années déjà, le haut du pavé. En avril 2011 s’est ajouté à cette liste un trio Bordelais, dévoilé grâce à un premier album éponyme de haute volée, Mars Red Sky. De Mars Red Sky.
En piochant dans l’héritage des Dead Meadow, très probable influence principale de cet album, le trio évolue sur un terrain glissant. Loin de posséder le son rugueux et sur-fuzzé du Dead Meadow de 2001, les influences de Mars Red Sky version 2011/2012 se rapprochent plus d’un Feathers (2005), malgré un psychédélisme moins prononcé et des riffs plus frappants. Choisir de mêler son art à celui des Meadow n’est pas tâche aisée, ces derniers ayant assis un certain monopole dans l’hybride stoner/indie. Pourtant, au détour de ces sept titres, Mars Red Sky parvient à imposer son propre style avec brio.
Etonnamment, ce son apparaît déjà très réfléchi, bien plus que ce qu’aurait laissé supposer un premier essai discographique. Les trois bordelais savent ce qu’ils veulent et comment ils le veulent, ce que l’on considérera comme une grande avance sur beaucoup de leurs concurrents stonerheads. L’atout principal de Mars Red Sky réside dans les jeux entre contrastes. Allier riffs lourds, percussions viriles et rythmiques plombées à la voix haut perchée, sensible, presque féminine du vocaliste Julien Pras, maltraiter l’esprit brûlant et désertique inhérent au stoner avec les ambiances enneigées du début de « Falls » : là résident les audacieuses innovations de cet album en tout point réjouissant.
Du reste, la recette reste sensiblement la même que dans n’importe quelle formation talentueuse du genre : la production est parfaitement appropriée aux morceaux, aussi apte à l’heavy distordu (« Up The Stairs ») qu’à l’acoustique planant (« Saddle Point »), les riffs sont parfaitement mémorables (« Strong Reflection », hymne stoner imparable), les lignes de chant popisées pour le meilleur, à l’instar de l’excellente et intense « Way To Rome ». Tout est parfaitement calibré pour plaire aux amateurs de stoner, que l’on sait exigeants et de plus en plus nombreux. Quel étonnant et fascinant premier album…