Oui, grande est la tentation
de commencer par dire que The Temptations n'est pas un vrai groupe,
de rappeler qu'un vrai groupe, c'est une équipe, ce sont des musiciens qui ont envie
d'avancer ensemble,
de mener à bien un projet,
de vivre quelque chose d'important ensemble
...alors que la formation a si souvent fluctué au gré des caprices des uns et des autres,
des inimitiés,
des diktats de leurs maisons de disques,
des ambitions du producteur,
...qu'on croit regarder tourner un manège dont les passagers seraient différents à chaque tour,
un défilé de costumes impeccables dont on changerait les visages
comme des poupées de papier.
Grande est la tentation, oui
de dire d'abord toutes les déceptions
les morceaux écœurants
les pâtisseries
lissées au sirop de sucre
Il ne faut pas.
En 1973, les Temptations ont posé une pierre maîtresse de la soul :
MASTERPIECE
l'album est un joyau taillé d'une seule pièce qui rachète toutes leurs vicissitudes
un diamant à deux faces aussi étincelantes l'une que l'autre
un diamant à cinq visages: Franklin, Williams, Harris, Street, Edwards
un diamant à six facettes
-six titres seulement !
mais quels titres...
Il fallait commencer par là :
Hey girl ( que j'aime ce style ! )
Masterpiece et ses treize minutes quarante-neuf secondes de caravane hiératique
Ma et son intro qui vibre, comme la corde parfaitement tendue d'un arc
Law of the land - ces voix !
Plastic man, dont les premiers accords feraient s'écarter les eaux
Hurry tomorrow.. donnez lui tout votre temps, ses huit minutes sept secondes sont nécessaires pour sortir intact de cet album ensorcelé - pour en redescendre
Mea culpa,
Mea maxima culpa :
J'ai cédé à la tentation.