( d'abord évacuer vite les détails de réalisation qui m'ont choqué : la barque. Quand on tombe à l'eau en mer avec ce genre de robe, les chances de s'en sortir sans aide sont faibles, tellement le tissu gorgé d'eau pèse et vous empêche de nager. Ensuite, des caisses de toiles tombées à la mer...c'est mort, l'eau salée ne fait pas de cadeau au matériel de peinture. Ensuite, après une trempade pareille par un temps pas vraiment ensoleillé, on attrapait la mort, au sens propre, pneumonie pleurésie et tutti quanti. Enfin, on ne recloue pas un couvercle de caisse comme ça, juste en renfonçant les mêmes clous dans les mêmes trous, pas possible que ça tienne bien )
( Ah, et aussi : l'apparence trop semblable de la peintre entre les séquences présentes, passées, futures )
Bon, c'est véniel, tout ça.
J'aime ce film parce que je n'aime pas la jeune fille ( avec ou sans feu ).
Je ne la trouve pas belle.
Je ne la trouve pas désirable.
Je ne la trouve pas intelligente.
Je ne la trouve pas sympathique.
- et c'est tant mieux ! Parce que, sinon, comme elle est objet central du regard, j'aurais vécu ça comme une belle chose exposée à notre attention; ou comme un ice-cream qu'on voudrait lécher; tandis que, là, mon absence d'admiration esthétique, de désir ou de sympathie pour elle me laissent apprécier le film autrement.
Je vois la peintre être peu à peu fascinée, conquise, désirer, et c'est comme dans la vraie vie :
Quand vous voyez quelqu'un tomber en amour, et que vous vous dites WHAAAAT ? jamais je ne serais tombé amoureux de cette personne !
D'habitude, les films s'arrangent pour qu'on s'identifie à la personne qui aime, et qu'on désire l'objet de son désir.
Là, je ne sais pas si c'est voulu, mais j'assiste à cet amour sans le partager.
Si le film n'était que ça, ce serait fini; mais la jeune fille est émouvante dans sa raideur; elle est émouvante dans sa situation; dans son isolement; dans sa jeunesse maladroite, butée.
Et alors je comprends l'émotion de la peintre.
Et la peintre est émouvante elle aussi dans ses précautions, dans sa manière d'être entraînée dans ce pas de danse;
alors on danse aussi.
Peu importe si la manière dont elle dessine ou peint n'est pas convaincante ( le cinéma n'a jamais su faire ça ), ce n'est pas un film sur la peinture.
Peu importe si les réunions de "sorcières" sont très téléphonées; Le chant est beau, et la flammèche aussi.
On n'est pas dans du réalisme, du naturalisme...
Plus embêtant, tout ce qui concerne la jeune domestique : ça semble ajouté de force, pour le principe, pour montrer une solidarité féminine bousculant les classes sociales, pour parler d'avortement, très hors sujet, alors qu'à aucun moment on ne sent une vraie relation forte;
...alors qu'on va vite l'oublier et ne plus en parler.
mais finalement cette relation un peu ratée nous montre mieux l'exclusivité du duo.
...et c'est cohérent : dans ce duo amoureux, pas de place pour une tierce personne.
Pas de place pour un avenir non plus :
dès le début, c'est une histoire brève, un peu de bois qui flambe : dans le plus-tard, on ne sent pas la continuation d'un amour, il reste une curiosité plutôt, un regret; on ne nous dit même pas si l'ex-jeune fille a vécu heureuse ou non; et c'est tant mieux, je sais gré au film de laisser cela inexploré, on n'en sait pas plus que la peintre, qui a conservé le tableau, mais, semble-t'il, comme un souvenir d'une chose qui a, brièvement, été.
...un beau souvenir.
...un éclat de lumière.