Nous avons abordé Tako Tsubo il y a quelques jours, et j'aime à penser qu'on ne laisse pas un travail incomplet, car sans Matahari, cette agréable surprise qu'a été Tako Tsubo n'aurait jamais vu le jour...
L'Impératrice, donc, est un groupe de musique électro-pop parisien créé en 2012. Ils sont six, Charles de Boisseguin (fondateur et claviers), Hagni Gwon (claviers), David Gaugué (basse), Achille Trocellier (guitare électrique), Tom Daveau (batterie) et enfin Flore Benguigui, arrivée en 2015 au poste de chanteuse.
Les premiers EP de l'Impératrice sont assez instrumentaux, puis la voix de Flore commence à faire son apparition sur Odyssée, en 2015. Un cap est franchi en 2016, "Vanille Fraise", succès, le premier de l'Impératrice. Ils signent chez microqlima, maison de disque indépendante, et commencent à penser à leur premier album. Celui-ci se nommera Matahari, du nom de la célèbre danseuse et agent double de la Première Guerre Mondiale, ayant travaillé à la fois pour les allemands et les français, exécutée en 1917 par ceux-ci. La pochette de l'album évoque elle-même cette illustre espionne, par la présence de cette mystérieuse femme, sensuelle, couverte d'un grand chapeau, au visage totalement noir, à l'exception de ses lèvres, bordeaux, d'où s'échappe une colonne de fumée.
Si Tako Tsubo est le jour, alors Matahari est la nuit, une nuit noire et profonde, mais pas inhospitalière. C'est la nuit de la fête, des sorties sur les balcons, pour respirer, boire un coup, encore une autre cigarette. Matahari est de ce genre là, du easy-listening sophistiqué.
Les textes sont de la main de la chanteuse, Flore Benguigui, simples mais il fallait y penser, tout en restant très poétiques. Ils accompagnent cette bande sonore très synthétique, aux influences disco-funk, mélancolique et décadent. La voix de Flore est une des clé de l'identité de l'Impératrice. C'est indescriptible, mais elle donne aux morceaux une saveur si particulière, en tout cas inédite, contribuant à cette ambiance, assez vintage, kitsch sans jamais être ridicule. Tous sont des très bons musiciens, et cet album le prouve.
Des ballades pop ("Erreur 404") aux chansons powerpop dansantes ("Matahari"), en passant par des pistes appelées à devenir de réels classiques de leur répertoire ("Vacances", "Paris", "L'Entre Deux") et les pépites mélancoliques ("Dreaming Of You", en collaboration avec Isaac Desillusion, autre poulain de chez microqlima), Matahari offre un ensemble cohérent, groovy et funky, preuve d'un groupe en route vers l'affirmation.
Il a aussi le loisir d'offrir une curiosité, j'ai nommé "Balade Fantôme", curieux récit narratif d'un rescapé de l'espace sombrant peu à peu vers la mort. C'est très intéressant, peut être peut on y voir une référence au Major Tom de Bowie, qui sait au fond ce que l'Impératrice avait en tête ...
Sorti le 3 février 2018 chez microqlima, produit par le groupe et Renaud Létang, légendaire ingé son français, Matahari révèle réellement l'Impératrice, au delà de ses succès singles. Il montre que c'est un groupe capable, capable d'albums, se construisant peu à peu une identité et un répertoire solide. C'est élégant et travaillé, intéressant et très enthousiasmant pour la suite.
L'Impératrice est sur une très bonne voie, plus tard confirmée sur l'excellent Tako Tsubo, sorti en 2021.
Matahari, élégante augure.
Lien vers ma chronique de l'album suivant, Tako Tsubo !
Matahari full album
"Vacances"
"Dreaming Of You"