"J'voulais être seul mais trop tard j'étais déjà né"
Pièce unique du duo Lunatic, "Mauvais Oeil" est également une pièce unique dans le rap français. Rarement on aura entendu un album si homogène, qu'il faut d'ailleurs entendre, comprendre, comme l'appel d'une seule voix, où les sons se répondent les uns aux autres, comme Booba et Ali se complètent et se reflètent. Même si, il faut bien l'avouer, Booba est parfois tellement hors normes, qu'Ali apparaît comme faible. En vérité il n'en est rien car si Booba est le moteur, l'électron libre qui porte en lui toute la la puissance et l'irrévérence de cet album, Ali est lui le point d'encrage, essentiel à l'équilibre de certains morceaux et, plus généralement, de l'album (comme Booba se plaît à le dire dans "Groupe sanguin" : "Avec Ali, Booba, le flingue et son chargeur").
Pourtant le succès de l'album n'était pas gagné d'avance car après avoir posé avec les Sages Po', on attendait énormément de Lunatic. La réponse est sans appel : un album qui préfère jouer de son ambiance que de la performance technique, à la manière d'un Mobb Deep à la française, où l'on préfère le beat lourd et épuré à l'instru inutilement sophistiquée. A ce titre, le morceau "Mauvais oeil" apparaît comme l'apothéose, mélancolique et désespéré, il respire la désolation, chaque ligne traduit la déception. Son fond lyrique, inoubliable, en fait la parfaite vitrine d'un album qui a marqué son époque, qui marque encore aujourd'hui, sans doute moins par ses textes et ses instrus (pourtant gigantesques) mais par l'association qui en ressort.
Car, en définitive, ce qui est si génial avec "Mauvais Oeil", ce qui le rend unique, c'est d'avoir réussit à faire de son avalanche d'assonances et d'allitérations, le fondement d'une véritable définition du flow à la française.
L'honneur du rap français est aussi son plus gros doigt d'honneur.
R.I.P. Booba.