Quoi, Booba ? MAIS VOUS ÊTES SERIEUX LES GARS ? Vous kiffez Booba ? La pseudo-racaille du 9-2, le type qui s'est fait connaître en crachant des « nique ta mère et la police » au micro ? Pas foutu d'écrire un texte dans un français correct et on appelle ça un rappeur ? Quoi ? C'était 100x meilleur à ses débuts ? Mais 100 x 0, ça fait toujours zéro ! Allez, passez la galette que j'écoute et que je me paie votre gueule !
1 heure plus tard...
OK je suis un pauvre connard. Mais vraiment. Moquez-vous de moi, humiliez moi, arrachez moi les oreilles et la langue, que je puisse plus jamais dire des conneries pareilles, puis abattez moi et brûlez ma dépouille, pour être sûr.
PUTAIN MAIS QUELLE BAFFE. Lunatic vient de tuer tous les MC français dans mes oreilles. Le rap est mort, vive le rap.
Bon, tout a déjà été dit sur cet album : l'association des deux rappeurs, les qualités – monstrueuses - de leurs flow, les instru et leur talent d'écriture, mais j'insiste. Sur Booba en particulier. Tranquille, le mec crée peu a peu sous nos yeux un style, un mélange unique de cynisme, de désespoir, de haine, d'angoisse, de tristesse et de rage, porté par un torrent de rimes, d'allitérations, d'assonances, un jeu sur les sonorités incroyable qui, régulièrement, fait jaillir des images terriblement puissantes. On l'a plusieurs fois comparé à Céline, je trouve la comparaison justifiée et dieu sait si c'est un grand compliment dans ma bouche.
Je respecte IAM, mais j'ai toujours été emmerdé par le ton de leurs textes. Ces mecs-là, comme pas mal d'autres rappeurs qui se veulent la voix des quartiers sensibles, portent sur leur vie, leur environnement, un regard proche de celui d'un sociologue, distancié, analytique, parfois moralisateur ou teinté de plaintes et de revendications.
Rien de tout ça ici. Booba n'est pas un témoin, il est la preuve. Il ne raconte rien, analyse encore moins, il te fait vivre son truc et il t'emmerde. Toi, tu prends (dans ta gueule) ou tu laisses, mais tu peux pas y rester indifférent, c'est juste trop fort. Et si ça te choque pas sur le moment, écoutes un autre rappeur dans la foulée, tu peux pas rater le contraste.
Voilà, je me rend compte que je parle beaucoup moins de Ali, sans doute parce que ses textes me parlent nettement moins, surtout toute la partie religieuse & co, mais son flow et son écriture différente apportent des bouffées d'air salvatrices et préparent le terrain aux interventions d'un Booba qui explose tout sur son passage. On peut dire ce qu'on veut de ce mec, de ce qu'il est devenu mais rien que pour cet album (et 2-3 autres quand même), il est un monstre sacré du rap français.
Et puis pour finir, des extraits à ajouter à l'anthologie démarré par Olivier-W sur sa critique :
"J'suis pas né dans l'ghetto, j'suis né à l'hosto
Loin des stups et des idées stupides, putain c'que j'suis devenu
Un crève l'oseille et l'shit adoucit l'choc
Grosse envie d'chèques, un parasite en chute libre sans parachute
Ca commence à faire long, depuis qu'on est tout petit j'm'enlise
Et maintenant j'pleure des larmes alcoolisées
On coule, mais y'a pas d'bouées pour les babouins
C'est la crise, la lésion, la légion, dans ma région
Une grain d'café, un gars et croque, y nous en faut peu
Un C.A.P puis vends d'la dope
Faut pas qu'la justice te foudroie
Fais ton chemin bien, qu'tu choisisses le mauvais ou l'droit
J'm'en fous moi, j'dis ça pour nous
Faut viser l'top avant l'fourneau ou l'fourgon
On en fait trop, dans n'importe quelle boîte on s'culbute
Y'a plus qu'des putes, sont toutes quelconques et sucent n'importe quelle bite
J'avoue, sur les prières j'étais radin
Faut qu'j'me rattrape, ou qu'j'défonce les portes du Paradis
Parc'qu'ici, les soucis sont fermes, y'a pas d'sursis
Les juges ont des cornes et le crime se vend en cornet » (Avertisseur)
"Je repense à mon clan
Destin de vie, le déclin, je pense qu'à gruger
Nique la justice, y'a qu'dieu qui peut me juger
J'ai les joues pleines de textes, ils sont souvent tristes, et
Je marche sur des roses rouges
Pas de lyrics à l'eau de rose
Pisté par le mal, des pédés dans le rap parlent mal
J'sais qu'ils me comprennent, font la boule
Pour qui ils s'prennent, mes lyrics s'impregnent
Lunatic jusqu'à l'infini
Ici c'est la merde, la jungle urbaine
Plein de fauves évadés de Vincennes
J'inscris mes rimes comme à la Sacem
Les faux s'prennent ce qu'on assène
C'est comme la guerre, nos rap de Saddam Hussein
Frère vrai que j'suis pervers
Shoote avant qu'on t'shoote
Ça sent l'génocide comme l'autopsie d'un Tutsi
Je gomme mes ennemis qu'ils soient ici où au Rwanda
Je les laisse croire que suis aveugle
Ils me prennent pour Stevie Wonder
Fils pas de lunettes noires
J'pars en fumée, rare qu'j'assiste aux funérailles
Rabzas, Renois, diamant noir et fun raï » (Mauvais Oeil. Mon dieu, cette instru !)