C'est la première opinion qui m'est venue...
Ça manque de folie.
The Fame avait pour lui d'être le réceptacle de la jeunesse de Gaga, certes, mais Chromatica n'est pas si vieux et c'était bien plus "fou".
Après ce n'est pas forcément un défaut, juste un constat sagement amer pour qui aime entendre Gaga dans ses plus saines dérives. L'on est ici sur un ersatz de Born This Way en plus sage, dans un style très 90's. Avec un soupçon de toutes ses influences passées et des teintes un peu grunge.
L'album est formellement très bien construit, bien produit, et d'ailleurs je n'ai déprécié aucune piste. C'est parfaitement audible, entraînant de bien des façons et possédant même quelques fulgurances à commencer par le titre introductif ; Disease est un merveilleux morceau, industriel, aux teintes sombres, au texte vigoureux et aux envolées vocales remarquables, trois timbres de voix se superposant par instants, prouvant combien Gaga maîtrise parfaitement sont instrument qui associé à des arrangements soignés font de Disease un hit monumental, un classique instantané qui peut s'asseoir sans mal aux côtés d'un Poker Face ou d'un Bad Romance. Je le pense sincèrement et si tout MAYHEM avait été de cet acabit l'on serait face à un opus tellement ultime qu'il saurait éclipser tous ceux qui se risqueraient à la pop cette année... Malheureusement, presque plus rien ne sera de ce calibre. Hormis (un peu) Abracadabra et le formidable Garden Of Eden à sa suite qui continuent sur cette lancée, puis Killah plus loin avec son riff qui bastonne et un Can't Stop The High plein de fureur en bonus track, ce départ tonitruant ouvre la porte a un album qui restera globalement un ton en-dessous.
Ça peut paraître négatif au premier abord, sauf que naviguer un ton en-dessous de l'excellence, ça reste respectable.
Déjà les compositions sont toutes accrocheuses et certains titres comme Zombieboy savent rappeler les tous débuts de Gaga ; l'on croirait à une chute de The Fame.
Ensuite il y beaucoup de guitares et cela n'est pas pour me déplaire. Le producteur Andrew Watt est de tous les morceaux, et s'étant formé dans le hard rock cela s'entend sur certains passages, dans quelques riffs et solos notamment. Ses interventions électriques sont toujours pertinentes et renforcent l'énergie de titres déjà très rythmés.
Aussi il y a beaucoup de passages instrumentaux au sein des morceaux, ou Gaga se tait pour laisser l'ambiance nous pénétrer. Ou le son même se suffit sans qu'elle n'ait besoin de s'exprimer. Une démarche pas si fréquente dans sa discographie... Qui souffre ici précisément du fait que tout le disque rappelle constamment ses anciens travaux.
Il n'y a rien de fondamentalement neuf et l'ensemble peut paraître daté, sinon un dernier tiers plus lent qui s'essaie vaguement à une approche progressive...
Comme si c'était Joanne Stefani qui décidait de faire du Gaga sans la pertinence d'autrefois quand elle endossait ce "rôle"...
Cela ressemble à du Gaga, ça sonne comme Gaga. Mais sans le souffle et le grain de folie de Gaga.
C'est trop propre. Elle s'essaie à une formule polie, professionnelle de toutes ses précédentes itérations, et revisite tous les genres qu'elle a traversé pour offrir une sorte de nouvelle mue sereine. D'aucuns diraient "mature".
Peut-être.
Joanne après l'excellente récréation Harlequin, son précédent album "jazzy" sorti il y a quelques mois, ainsi que son Love For Sale (toujours Jazz) en duo avec Tony Bennett, retrouve enfin ses premiers amours et souhaite nous confirmer que la pop reste son cheval de bataille. Que cela fait partie intégrante de son ADN... Sans pour autant oser en pousser les curseurs au maximum... Comme sur les trois premiers titres, finalement les plus hauts faits de MAYHEM.
Tout est bon dans l'album. Honnêtement il n'y a rien à jeter. Entre le refrain très efficace de How Bad Do You Want Me, la robustesse électrique de Perfect Celebrity, les couplets de Don't Call Tonight et les balades en fin de course, tout est qualitatif... Mais j'ai eu l'impression d'entendre une copie de Gaga. Une très bonne copie, un travail soigné... Qui ne tente pas grand chose et reste sur des acquis sûrs.
Monster était sombre, Born This Way assez rock n'roll, Artpop partait dans tous les sens, Joanne lui était un peu schizophrène en faisant cohabiter les deux facettes de Gaga, et Chromatica était un projet assez décomplexé, pessimiste, qui pouvait paraître crétin mais possédait du fond.
Il n'y avait peut-être plus grand chose à expérimenter, de fait, aussi faut-il voir MAYHEM comme une capsule temporelle, un produit éclaté (d'où le miroir brisé sur les artwork) qui renvoie à différentes périodes de Gaga qu'elle affirme comme un tout, homogène et cohérent. L'album semble vouloir avoir sa propre identité et l'on peut effectivement discerner un fil rouge dans le son et les textes assez positifs et malicieux, certains romantiques, qui ont toutefois pour thème sous-jacent le chaos, la violence ("Mayhem" quoi), mais il ne parvient jamais vraiment à se détacher de ses aînées.
Il y a de belles tournures, des textes comme toujours très imagés évoquant le sexe, l'amour, la débauche, le macabre... Qui n'ajoutent rien de particulièrement original à son répertoire, sinon un peu d'optimisme ! Peut-être la quarantaine qui approche...
Stefani est une femme comblée aujourd'hui, vivant une belle histoire d'amour et une période visiblement heureuse... D'où cette impression que l'alter-ego Gaga a pu relativement s'égarer ; elle est toujours là, mais c'est une "créature" moins frivole, qui s'est juste assagie.
Pourquoi pas. Mais je me suis satisfait plus franchement des à-côtés qu'elle nous offre depuis quelques années.
Je ne vais pas bouder mon plaisir cependant, car j'aime l'électro de Gaga et que je reste heureux de la retrouver dans ces seize nouveaux morceaux.
Il y a du contenu, c'est généreux et habillé d'un savoir-faire certain. Ça virevolte, c'est funky et on arrive à croire de temps en temps qu'elle s'amuse beaucoup.
Il n'y a hélas plus cette "flamme" que j'espérais retrouver quand elle a annoncé revenir à la pop de ses débuts.
Or l'on retrouve bien la pop de ses débuts. Mais sans la flamme. C'est difficile à expliquer...
J'ai l'impression que la dame s'épanouit plus en étant Joanne, celle qui fait des bandes-originales et du Jazz...
MAYHEM est un retour aux sources un peu rétro, plus lumineux que prévu, et qui ne manque pas d'élégance ni de vigueur. Juste d'un peu plus de panache et d'une véritable identité.