On the way to the "Dark Side"

Pink Floyd, l'un des plus grands groupes de l'histoire de la musique, a su comme personne toujours créer quelque chose de surprenant et progressivement passer de la musique impossible à passer à la radio (mais que personnellement je trouve génialissime) à de la musique plus conventionnelle mais construite magnifiquement (à la légende en somme).

Le début du groupe est difficile car dans leurs oeuvres au côté psychédélique affirmé, il y a une envie de rentrer dans l'air de son temps tout en gardant leur propre image, leur propre âme.
Il faut dire que le niveau moyen des musiciens Pink Floyd est juste édifiant et donc ils se doivent de faire leur propre truc, ne peuvent que partir à contre pied des autres artistes un tant soit peu psyché.
Personne n'arrive vraiment à la cheville de ces "Flamands roses".

Mais il y a un "mais" : leurs albums sont assez inécoutables pour les non avertis. Pink Floyd est il un groupe réservé à une élite, à des oreilles de mélomane habitués aux albums élaborés ? Les amateurs de musique aux structures bien léchées, aux rythmiques simples et accessibles, bref aux amateurs de musique commerciales qui passent facilement à la radio en resteraient ils pour leurs frais ?

Pink Floyd doit donc essayer de se réinventer. L'enjeu étant de toucher tous les publics sans pour autant se renier, se laisser aller au commercialisme.
C'est à mon sens les questions que doivent se poser le groupe au moment de créer Meddle qui pourtant se distingue à quelques détails près de son prédécesseur "Atom Heart Mother".
Je m'explique : démonstration de technique mélodique au début sur "One of These Days" puis à la fin sur le magnifique "Echoes" et au milieux, des titres plus conventionnels qui montrent pour chacun de ces morceaux une panoplie du groupe (leur côté rock, leur côté psyché des débuts, leur côté jazz). Un peu la même structure qu'Atom Heart Mother mais à l'envers.

Pour parler du disque en lui même, le disque est clairement un lien vers les disques qui vont suivre et encrer définitivement le "Floyd" dans la légende du rock et plus largement de la musique.
Notez cette ambiance ventée sur "One of These Days" qui sera l'ambiance principale de l'album "Wish You Were Here" et les mélodies de guitare de "Fearless" ou de "Echoes" vont certainement servir de base ou de source d'inspiration au style plus démonstratif sur "The Dark Side of the Moon" et "Shine on You Crazy Diamond" est un peu comme un "Echoes 2" bien qu'il n'y a qu'un seul "Echoes" (paradoxal).

"One of These Days" commence l'album en force avec cette technique de basse diaboliquement efficace de Roger Waters et leur son tout en progressif et d'un charisme incroyable.
Ca démarre très fort.

Puis, l'auditeur est directement encré dans le style Pink Floyd avec la magnifique chanson "A Pillow of Winds" qui constitue pour moi le chef d'oeuvre psychédélique du groupe Pink Floyd.
Une grande maîtrise mélodique couplée au chant tellement accrocheur de David Gilmour.

Le riff dévastateur de "Fearless" avec cette ambiance de stade de foot pouvant rendre le groupe un tantinet plus proche des gens (en tout cas des amateurs de football mais je ne peux m'empêcher de penser que c'est le cas d'une certaine majorité d'entre eux).

A l'instar d'Atom Heart Mother, le disque chute en qualité sur son milieu selon moi avec les morceaux "San Tropez" et "Seamus" (un morceau pour se marrer selon moi).

Puis, pour finir magistralement, le groupe prépare presque le public à la légende qui va venir avec le magnifique "Echoes" qui du début à la fin est d'une qualité et d'une régularité dans la performance mélodique comme seul Pink Floyd sait faire.
Les transitions sont jouées, réexposées et rejouées jusqu'à leur dernier souffle avant de passer à la suivante. Sur chacune de ces transitions, il y a un côté très accessible et facile d'accès car chaque son à l'impression de respirer (pas à cause du vent qu'on entend encore couvrir ces sons) mais chaque instrument est vraiment laissé à lui même comme si il avait quelque chose à nous dire et qu'il fallait surtout pas l'interrompre et seulement le laisser exprimer sa mélodie jusqu'à ne plus pouvoir.
C'est ce côté jusqu'au boutiste, ce côté incroyablement abouti qui est surprenant dans "Echoes".
Il y a vraiment aucune erreur (par exemple, le remarquable travail du piano et la complémentarité avec la guitare à partir de la 16ème minute du titre est juste épique (un des grands moments du disque).
"Echoes" n'est pas seulement un des grands titres de Pink Floyd, il est l'un des grands titres de l'histoire de la musique qui n'est pas encore suffisamment connu à mon goût et que chaque amateur de rock se doit d'avoir écouté au moins une fois dans sa vie juste pour se faire une idée de ce qu'est un morceau totalement abouti, d'écouter un véritable chef d'oeuvre.

Avant de montrer son "Dark Side" au sens propre comme au figuré et je dis au sens propre car Pink Floyd a toujours eu le chic d'aller à contre pied du business, Pink Floyd se devait de se prouver à eux même qu'ils sont capable de créer une musique merveilleuse, à leur image mais qui resterait populaire et Meddle est clairement cette expérimentation-là.

Progressivement, leur musique est plus maîtrisée, plus mature. Meddle est très clairement le disque de la maturité du groupe Pink Floyd, le disque qui lance tous les possibles et qui les lancera vers la légende, la postérité, ce qui rendra à chacune des oreilles le plaisir que chaque amateur de musique espère vivre.

Pink Floyd a pourtant montré le chemin par leur pochette (une oreille humaine où transitent des ondes sonores) pour comprendre, pour percevoir leur musique, percevoir ce qu'il se passe dans son oreille, se laisser aller à la musique.
Mon interprétation de la démarche du groupe est qu'au lieu d'attendre que le public aille à Pink Floyd, c'est Pink Floyd qui a fait un pas vers le public par ce disque, et c'est ça qui le rend encore plus spécial et qui ajoute à sa légende.