Nous avions été prévenus : le Foo Fighters nouveau s'annonçait plus "dansant" et même si le groupe est certainement au-dessus de ça, nul doute que Grohl et sa bande anticipaient chez une partie de leur public une réticence à s'y plonger sans froncer les sourcils. Pourtant, "Medecine at Midnight" n'a finalement pas grand chose du virage annoncé. Certes, une petite poignée de titres assument des chœurs, des arrangements et des beat relativement nouveaux dans leur répertoire, mais rien d'à ce point inconfortable pour quiconque les apprécierait pour ce qu'ils sont depuis 5 à 6 albums, au bas mot.
Spontanément, ça marche : "Making a Fire" mêle avec adresse des riffs de guitare rugissants, des "Nananana" entonnés avec entrain par une chorale apparemment majoritairement féminine et des relents mélodiques oldies typés un peu 70's. La mixture prend plutôt bien et rappellerait même presque parfois la fraîcheur d'un "The Colour & the Shape" (1997), qui disait déjà à peu près tout de ce qu'était ce groupe : pas vraiment un héritier du mouvement Grunge, mais une formidable machine à fondre la luminosité Pop dans un vacarme à grosses guitares. Bien sûr, on trouve ici quelques habiles contre-exemples, à commencer par par un "Shame, Shame" quasi-dénué de riffs et porté par un groove de batterie aussi clinique que sophistiqué, ou encore un "Medecine at Midnight" (le morceau éponyme) piochant ostensiblement dans une vibe eighties, ce qui a valu à bien des critiques peu avares de raccourcis de convoquer David Bowie à longueur de chroniques. N'exagérons rien, ça n'est sensible qu'un demi-morceau durant et ne justifie pas sérieusement d'en faire le marqueur principal du disque, plus prévisible par ailleurs. On y trouve notamment une charge Punk efficace en diable avec "No Son of Mine" ou encore une ballade qui monte joliment en puissance avec "Waiting on a War", entre autres réussites qui auront tôt fait de ramener les fans dans leur zone de confort. Comme en plus, l'album est éminemment mieux produit qu'un "Concrete & Gold" (leur précédent LP, formellement raté de ce point de vue), on passe sans forcer un agréable moment. Ca n'est pas la réinvention fantasmée par certains, mais à mi-parcours, on se dit que les Foo Fighters sont en train de réussir leur coup. Malheureusement, le disque s'essouffle vite et ne tient pas la distance. Un comble, en seulement neuf petits morceaux.
La faute à quelques menus remplissages et des refrains faciles parfois lâchés en pilote automatique, l'album n'est ni suffisamment ambitieux pour surprendre, ni suffisamment homogène qualitativement parlant, pour convaincre totalement. Un sentiment d'inaboutissement hélas renforcé par un titre de clôture raté, plombé par une rythmique sautillante d'un goût discutable et des lignes mélodiques appuyées.
A condition d'être bienveillant et de n'en garder que le meilleur, "Medecine at Midnight" est un divertissement hautement recommandable. Pour les plus exigeants, ce n'est pas encore tout à fait à la hauteur de ce que le groupe, devenu ô combien énorme, représente. Si on était mauvaise langue, on dirait même que ça commence à faire long : dix ans depuis "Wasting Light", à vrai dire.